LE SYNDROME DE LA FÉE CLOCHETTE

LE SYNDROME DE LA FÉE CLOCHETTE

« Les fées adorent danser, voyez-vous ; et bien qu’elles oublient les pas, quand elles sont tristes, elles ont tôt fait de les retrouver quand elles redeviennent gaies. C’est la raison pour laquelle les fées ne disent jamais : « Nous nous sentons heureuses », mais : « Nous avons envie de danser ». Je suis sûr que vous avez remarqué que cela veut dire presque la même chose. La joie vous descend très facilement dans les pieds. »

Peter Pan, Sir J.-M. Barrie

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Après le syndrome de Peter Pan, et celui de Wendy, il apparaît incontournable d’évoquer le troisième, l’inséparable, le collatéral des précédents : le syndrome de la Fée Clochette. On le doit à Sylvie Tenenbaum, thérapeute, qui a identifié une nouvelle typologie « représentative de quantité de jeunes femmes actuelles », ainsi qu’indiqué en 4eme de couverture de son livre éponyme : Le syndrome de la fée Clochette, ces femmes qui font du mal et se font mal (Le Moment éditeur).

Et elle définit ainsi ces Clochette modernes : « Aussi charmante qu’insupportable, aussi enchanteresse qu’ensorceleuse, agressive et jalouse. Aussi intelligente que manipulatrice et cruelle. »

Petit retour en arrière, sur la Clochette la plus connue, la plus populaire pour tous : celle de Walt Disney. Clochette suit partout Peter. Où qu’il aille. Quoiqu’il fasse. Elle ne dit rien, elle secoue ses ailes, elle boude, elle fait la moue, elle ne répond à ses demandes que si celles-ci lui conviennent, elle le punit, elle s’éloigne et revient. Elle se fait enfermer et se cogne entre les parois de cette lanterne qui la maintient prisonnière (la lumière serait-elle un piège ?) Elle se montre d’une jalousie féroce, elle complote, elle s’en veut – mais jamais longtemps. Elle se montre espiègle et prépare des tours pendables. Elle pleure, aussi, elle se replie sur elle-même, et elle s’éteint lorsqu’elle ne fait plus rire.

« Chaque fois qu’un enfant dit: «Je ne crois pas aux fées», il y a quelque part une petite fée qui meurt. » (J.-M. Barrie)

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Clochette est donc absolument insupportable. Capricieuse, orgueilleuse et colérique. Exigeante et autoritaire. Pour autant, elle est charmante, séduisante, séductrice, mutine et coquine. Et Clochette (celle du conte et non celle du syndrome) en souffre. Car elle sait que non seulement elle a besoin de Peter Pan pour exister, qu’elle ne peut vivre sans lui et sa fantaisie, mais qu’elle est tout de même condamnée à être abandonnée par le même Peter s’il lui prenait l’idée de grandir, de mûrir. Aussi, et sans en comprendre le sens ou la raison, elle alterne ses sentiments, usant de l’un ou de l’autre, tout comme elle le fait avec ses comportements. Elle agit plus par instinct et impulsion que par réflexion… sa réflexion la menant le plus souvent au calcul stratégique.

Et le corollaire est vite fait. Si elle est stratège pour ses intérêts et seuls intérêts, la voilà manipulatrice. Le cercle se referme. Peter Pan, cet enfant qui ne grandit jamais, a besoin pour se protéger de l’âge adulte de sa Clochette, de sa fée. Elle le guide et veille sur lui, et le maintient dans ce monde imaginaire sans lequel il serait perdu. Quant à Clochette, elle vit dans une relation tout autant faite de dépendance. Si Peter, cet enfant impatient qui semble par instants lui appartenir, la quitte, elle n’est plus rien. Elle disparaît.

Dans ce même monde imaginaire où l’âge adulte est un danger tout autant qu’une crainte – puisqu’il mène aux responsabilités et à la mort – Clochette se sert de ce qu’elle fait le mieux : semer sa poussière d’étoiles et permettre de voler. Elle titille et pinaille et fait des blagues, et les enfants perdus en rient, et Peter applaudit. Quant à l’ego de Clochette, il ne fait que gonfler.

Peter Pan, comme Clochette, ne vivent pas leurs émotions, ne les ressentent pas profondément, et sont même incapables de les nommer.

« Clochette n’était pas totalement mauvaise ou, plutôt, elle était totalement mauvaise à ce moment-là tandis qu’à d’autres, elle était entièrement bonne. Les fées doivent être une chose ou l’autre: elles sont si petites qu’elles ne peuvent malheureusement héberger qu’un sentiment à la fois. » Sir J.-M. Barrie

Qui seraient alors ces femmes de notre monde actuel vivant en souffrant de ce syndrome ?
Si nous ne pouvons vivre sans nous ranger dans des cases au nom prédéfini, que contient celle de la fée Clochette ? En revenant sur ces grands traits de caractère de cette fée de conte, on peut penser à des femmes perfectionnistes, ambitieuses, d’apparence à la fois distante, et séductrices. Qu’on ne peut ni ne doit ignorer, sous peine de subir leurs foudres, et non leurs étoiles, mais qui vont jeter aux yeux de celles et ceux qui les admirent cette poudre qui « fait voler ». Stratagème pour endormir. Et de là à ce qu’un petit malin roublard crée une nouvelle analogie entre cette poudre aux yeux, cette poussière d’étoiles, et une autre poudre bien plus toxique, il n’est pas loin.

Elles sont donc forcément instables, sur le plan affectif. Elles séduisent, charment, ensorcellent, mais sont perpétuellement insatisfaites, courent (ou plutôt volent) derrière un absolu et une perfection qui, comme tout absolu et toute perfection, sont toujours inatteignables.

Et si elles se perdent autant dans cette quête d’absolu, c’est bien pour ne pas penser. Ni à elles, ni à leur histoire, ni à leur passé (bien sûr douloureux et pas réglé), ni à cette peur de ne plus être aimée, de ne plus être désirée.

Elles vont apparaître (ou laisser comme souvenir) comme des femmes insensibles, tyranniques, despotiques, instables, insensibles et jalouses. Le tableau manque de charme, puisque le charme est contenu dans cette illusion qu’elles projettent mais qui demeure bien loin de leur réalité.

Et bien sûr, elles sont inconscientes de tout cela. Si elles en souffrent, elles en projettent la cause sur les autres. Sur ce Peter qu’elles ont croisé, mais qui, lui, a décidé devenir un homme. Sur cette Wendy qui a su amadouer Peter, s’en occuper, et le retenir.
Certains pourraient, par une déduction d’une rapidité extrême, les voir comme des Amazones. Sauf qu’elles ne cherchent pas l’homme pour se reproduire ou combattre, elles le quêtent pour exister, tout en le détestant d’exister lui aussi.

Bien évidemment, c’est dans leur enfance que la cause de ce comportement sera cherchée. Une enfance où l’on croisera forcément un parent « toxique », une place « à part » d’enfant mal aimé ou moins aimé, une violence psychique ou physique refoulée, un besoin de se venger pour exister, une peur de perdre et d’être abandonnée, un besoin d’exister et d’être reconnue, une dissociation du moi… et que sais-je encore.

L’apparence prime, le décor l’emporte sur la réalité. Ce culte esthétique pourrait conduire à une nouvelle comparaison : ces femmes cherchant à être remarquables et remarquées à tout prix se transformeraient peu à peu et sans s’en rendre compte en femme – objet, prête à tous les sacrifices physiques pour peu qu’ils lui apportent le sentiment d’être.

Et au-delà de tout ça demeure une profonde et inévitable colère.

Colère contre tous, colère contre elles-mêmes.

Colère qu’elles contrôlent ou croient contrôler, comme elles imaginent tout contrôler, tout gérer. Ou comme elles le souhaitent, ce qui seraient pour elles tant un moyen de s’affirmer, que de prendre cette fameuse revanche sur la vie dont elles semblent avoir tant besoin.

C’est souvent face à la solitude que la colère se développe. Le désespoir aussi,

A la fois femme – enfant (ou adolescente) car trop immature pour mettre un nom sur ses émotions, pour les appréhender et les affronter, avec un besoin cruel de s’affirmer dans des « Non » répétés à qui mieux-mieux, et à la fois femme méprisante, castratrice, qu’on pourrait dire misandre, ce sont avant tout des personnes en souffrance. Et qui ont besoin d’aide même si elles ne le disent pas ou ne le demandent pas.
Parce que leur confiance en elles est et a été entamée voir interdite. Et que leur moyen de l’exprimer ressort dans cette dépendance affective inavouée et dans cette affirmation brutale d’un moi pas construit et non consolidé.

Il n’est donc absolument ni ludique, ni facétieux ni charmant de se retrouver sous l’étiquette du syndrome de la fée Clochette.
De petite fée virevoltante, les femmes ainsi qualifiées deviennent des prédatrices manipulatrices et vengeresses. En s’alliant à une Wendy, on retrouve presque la caractérologie des personnages féminins du film Les diaboliques, de Henri-Georges Clouzot. Et le risque demeure qu’en lisant rapidement ce type de terminologie, une femme en souffrance continue de se fuir, niant la réalité, ou sombre en dépression, croyant se reconnaître et ne sachant que faire.

Peut-on en guérir ?
Pour en guérir, il faudrait avant tout que ce soit une maladie.
Or, ce n’en n’est pas une, et il faut arrêter de voir et de mettre de la maladie, du pathologique, partout. Les fées Clochette, les Wendy, les Peter Pan ne sont pas malades, ils n’ont pas de troubles psychiatriques. Ils souffrent d’un trouble du comportement, d’un défaut d’estime d soi, d’une personnalité mal construire, d’un dysfonctionnement et d’une inadéquation entre réel, réalité, et vécu.

En revanche, si la lecture inquiète, surprend, rappelle « quelque chose que je connais très bien », elle est alors un signal. Non pas d’un « Mais qu’est-ce qui ne va pas chez moi (ou chez elle) ? » mais d’un « Il existe une solution, une aide, un soutien possible et constructif ». Si une, voir des prise(s) de conscience sont nécessaires, si elles vont être difficiles car génératrices de culpabilité (en soulignant que d’autres ont pu souffrir du fait de ces comportements instables), la construction de la personnalité effective est possible.

La fée Clochette souffre d’une faille. Narcissique, affective, abandonnique… Ce n’est ni en un article ni et encore moins en restant dans la théorie qu’il est possible de la déterminer, puisque nous parlons d’individus, de personnes, d’histoires personnelles et familiales, parfois de transgénérationel. Nous parlons aussi de relations interpersonnelles, d’affect et d’émotions. La personne en souffrance, en demande d’aide – même si elle n’en est pas consciente – doit pouvoir recevoir cette aide, et qu’elle lui soit bénéfique. A elle en tout premier lieu. Il ne s’agit pas de construire un monde individualiste, égoïste, ou chacun agit dans l’indifférence la plus complète et en ne se préoccupant en rien de ce qui l’entoure.

Il s’agit de se confronter, à soi, de se mettre face à son miroir, de chercher à être entendu(e), mais aussi d’entendre.

Alors syndrome de Peter Pan, de Wendy, ou de Clochette, que faut-il en retenir ?

Nous sommes aujourd’hui confrontés, de manière assez générale, à un paradoxe. On peut presque le comparer à cette double injonction qui détruit et est une arme de la violence psychologique. Il faut aller bien – c’est obligé puisque les clés sont distribuées facilement dans un certain nombre de périodiques. Mais si vous allez bien, si vous avez du caractère, si vous vous affirmez, si vous osez dire non ainsi qu’on vous y invite ; ou si encore vous êtes une personne « gentille », empathique, bienveillante ; ou encore, si vous avez un caractère joueur, espiègle… bref, qui que vous soyez, vous risquez d’aller mal si vous ne le vivez pas encore. Vous risquez de vous effondrer si vous ne l’avez pas déjà fait. Vous voilà prévenu.

Aussi, déterminer ce type de syndromes (qui n’ont, il faut encore une fois le répéter, aucune reconnaissance médicale mais reposent sur des analogies typologiques ou comportementales), communiquer sur ces syndromes a le mérite de mettre un nom sur une situation, une relation ou un comportement. Et c’est à la fois tout l’avantage et tout le danger des lectures. Elles sont éclairantes, mais insuffisantes. Elles s’adressent à tous, mais ne résolvent pas une situation. Elles peuvent également induire un autre danger : à défaut de s’y « reconnaître » et de mettre en place une démarche active pour « s’aider, soi », elles autorisent à se concentrer sur l’autre, et de ce fait à déplacer tant le problème que la difficulté. Ce qui maintient la personne en souffrance dans sa souffrance sans lui permettre d’aider qui que ce soit d’autre, puisque ses comportements seront toujours instables, disproportionnés ou inadaptés. Ce qui parfois peut même justifier ce qui sera ressenti comme une absence de progrès, d’évolution : se concentrant uniquement sur « l’autre », la personne en demande d’aide ne fera aucun travail réel sur elle.

Elle sera alors doublement en souffrance, le vivra comme une double peine, et se bloquera dans une forme de déni : y aurait-il tout de même un avantage à ne pas parler de soi, un « profit » à ne pas avancer ? Car la découverte de soi oblige toujours à une rupture : celle avec la personne que l’on était « avant ». Et accepter cette séparation est aussi difficile que salvateur. Accepter ouvre surtout la porte à une réalité : Je n’étais pas (plus) moi, je me retrouve, et je m’aime ainsi. Je suis un(e) humain(e), et non l’étoile que l’autre doit contempler, admirer, ou tenter de décrocher.

« Les étoiles sont très jolies mais elles ne peuvent prendre part à aucune action; elles se contentent de regarder sans fin. C’est une punition qu’on leur a imposée pour quelque chose qu’elles ont fait il y a si longtemps qu’elles-mêmes ne se rappellent plus ce que c’était. »
Sir J.-M. Barrie

©Anne-Laure Buffet
annelaurebuffet.contact@gmail.com

L’addition s’il vous plaît

L’addition s’il vous plaît

Vivre et quitter une personne toxique a un coût. La facture est considérable.

  • Mouchoirs (innombrables)
  • Heures passées à attendre, à anticiper, à imaginer le pire, à espérer le meilleur, à reconstituer l’histoire, à tenter de donner un sens à cette histoire ; heures perdues à trembler
  • Famille, amis, proches, travail, activités perdus de vue, arrêtés. ceux qui fuient quand la parole se libère, conscients de ne rien pouvoir faire et trop lâches pour assumer
  • Appels aux avocats, aux thérapeutes. Les rendez-vous, les minutes et parfois les heures dans les salles d’attente, les trajets la peur au ventre d’entendre qu’on ne peut rien pour vous, que c’est (peut-être) votre faute, que « ça va aller mieux maintenant », qu’il faut du temps, que « vous êtes sûr.e ? », que « un enfant n’est pas victime, il est témoin », que « vous croyez votre enfant ? »…
    Ces heures de remise en cause, de questionnements culpabilisants, de doutes qui ne cessent de grossir
  • Médicaments, traitements, plantes, hypnose, méditation, formation pour combattre et lutter contre la migraine, contre l’insomnie, contre l’anxiété, contre toute somatisation, jusqu’aux plus graves, aux plus handicapantes. Contre les envies suicidaires, contre la peur de demain, contre la peur d’hier, contre l’isolement
  • Temps passé à se dire : « Pourquoi ? », « Qu’est-ce que j’ai fait ? », « Et s’il avait raison ? »
  • Tribunal ; dossiers à constituer, photocopies à faire, accusés de réception à envoyer, à aller chercher, convocations sans raison, les convocations auxquelles il faut se présenter sans paniquer, reports, incidents de procédures, délais, ajournements, urgences qui n’en sont pas, demandes sans réponses…
  • Jours d’insultes et nuits de cauchemars. Et les marques sur le visage, celles du temps, celles de la peur, celles des coups qui ne s’effacent plus. Perte d’un travail, difficulté voire impossibilité d’en chercher un autre ; la certitude d’être incompétent.e, nul.le, invalidé.e
  • Déménagement ; un quotidien à rebâtir, sans pouvoir imaginer de quoi chaque jour sera fait, de quoi le réfrigérateur sera rempli, et comment l’électricité sera payée
  • Téléphone, mails, textos… Les minutes, encore, à réfléchir avant de décrocher, avant de répondre, sans pleurer, sans trembler. Les numéros bloqués et les juges qui en déduisent un refus de communiquer. Et c’est la faute. Vous ne parlez pas à l’ex conjoint violent ? Vous voulez l’éloigner des enfants. Vous ne communiquez pas avec lui ? Vous voulez l’éloigner des enfants. Vous transmettez toutes les informations demandées ? Vous le harcelez. Vous communiquez toujours trop ou trop peu et si vous ne communiquez plus, vous êtes « aliénant.e »
  • Vacances gâchées, vacances reportées, vacances annulées. Le repos impossible à trouver tant l’estomac est noué, l’esprit préoccupé. L’emploi du temps sans cesse bousculé par « l’autre », et la victime qui se met à dépendre de ses ordres, contre-ordres, exigences, urgences, accusations, le plus souvent orchestrés autour des enfants
  • Expertises sociales et psychologiques, MIJE, AEMO
  • Professionnels mal informés, mal préparés, auxquels il faut raconter, en pensant perdre encore du temps. Qui vont écouter distraitement, remettre en cause, demander des explications
  • Enfants à consoler, à protéger, à rassurer, à soigner, à gâter, à retrouver
  • Le temps, toujours le temps, qui file entre vos doigts, jusqu’au jour où il n’y a plus de temps

… et les honoraires des avocats qui tombent ; les ordonnances des médecins qu’il faut régler ; les assurances qui ne couvrent rien, et surtout pas le temps perdu à essayer de vivre…

Et ne vous y trompez pas : les personnes manipulatrices et/ ou avec trouble de la personnalité narcissique savent ce qu’elles font. Ce qu’elles sont obligées de donner d’une main, elles vont tout faire pour le reprendre de l’autre. Quand elles n’ont pas mis un tel contrôle en amont que la victime est déjà privée de toute ressource.

La violence psychologique comporte toujours de la violence économique. Beaucoup de victimes se retrouvent sans emploi, sans revenu. Ou elles travaillent avec leur bourreau, pour leur bourreau. Sans être déclarées. Sans reconnaissance sociale et fiscale, sans déclaration à fournir, alors qu’il va leur être demandé un salaire, des revenus, des cautions bancaires… Dépendantes financièrement de leur persécuteur, elles n’ont pas la possibilité de quitter le logement familial. Ce logement peut être un bien commun, et les victimes savent qu’elles vont devoir se battre juridiquement pour obtenir la part qui leur revient. Isolées, elles n’ont pas toujours la possibilité de se réfugier dans leur famille ou chez des amis. Si elles le font, c’est pour un temps court. Déjà contraintes par la peur de partir, elles se sentent d’autant plus prisonnières qu’elles n’ont pas les moyens de partir.

Il faut parler également des enfants, adolescents, jeunes adultes, étudiants, qui n’ont pas les moyens de se loger, de régler le coût de leurs études, de leur quotidien. Qui restent sous l’emprise d’un père – ou d’une mère – manipulateur, en espérant que « ça va s’arranger » quand ils auront enfin un travail. Un travail qui ne leur plaira pas, s’ils en trouvent un, mais qu’ils accepteront pour un salaire aussi maigre soit-il, pour fuir. Il s’agit également de ces enfants devenus adultes, encore pris dans un schéma violent où se mêlent culpabilité face à un parent âgé et honte d’une enfance maltraitante, et se retrouvent spoliés, déshérités.
Alors, certes, la victime finit toujours par payer l’addition. Mais qui règle ensuite ce que chaque victime pourrait demander en indemnité ?

©Anne-Laure Buffet
annelaurebuffet@gmail.com