Au secours, je vais bien

Au secours, je vais bien

Mon dernier livre, Au secours, je vais bien, est paru le 25 août 2021.
Comme la suite d’une histoire, après Les mères qui blessent, Les prisons familiales et Les séparations qui nous font grandir, ce livre se concentre sur vous, vos émotions, vos ressentis, votre état d’esprit, vos certitudes et vos fonctionnements induits par votre histoire personnelle.



Aller bien, aller mal, deux manières de se situer face aux autres, face à soi-même, selon une échelle de valeurs ou d’idées souvent bien subjective, déterminée en fonction de nos croyances, de nos pensées, de notre intégration et individuation dans le monde, en fonction de nos capacités à faire et à être ; et très souvent, en regard de ce que vit notre entourage proche, mais également de ce que les médias, les réseaux sociaux, tout mode de communication nous renvoie.

Ainsi, parce que nous avons vécu telle ou telle situation, telle ou telle agression, telle ou telle toxicité, nous devrions « aller » de telle manière. Du « tu devrais tourner la page » à « comment as-tu fait pour supporter ? », du « tu es un exemple de résilience » à « tu aurais dû réagir avant », les commentaires sur notre manière de décrire notre état d’esprit, nos émotions et notre état d’être varient selon à qui nous nous adressons ; le plus fréquemment, ils sont en décalage avec notre réalité, nous rendant difficile voire impossible la possibilité de nous les approprier, de les comprendre.

Par ailleurs, beaucoup ont reçu une éducation invitant à ne pas se plaindre, à faire un effort, à sourire et relativiser… ce qui les empêche aux moments les plus pénibles de leur vie d’émettre la moindre plainte, la moindre demande de soutien. « Ce n’est pas grave », « Ça va aller », « J’ai l’habitude », « C’est comme ça, il y a pire ailleurs » sont des phrases alors souvent entendues ; et l’on peut se demander ce qui est vrai, réellement ressenti, de ce qui relève d’une sorte de méthode Coué.
À l’inverse, d’autres s’enferment dans un schéma infantilisant et déresponsabilisant. Cet enfermement se fait malgré eux, mais en sortir devient complexe, inquiétant, comme interdit. « Quoique je fasse, ça ne va jamais », « Ce n’est pas de ma faute, je n’arrive pas à avancer » est alors dit et entendu, et cette pensée négative s’installe comme un sortilège… « Je ne m’en sortirai jamais ». Lorsque cette conviction est solidement ancrée, malgré elle, la personne va agir et répéter des fonctionnements qui la mènent à l’échec ou à ce qu’elle considère comme étant un échec.

Le bien-être, comme le mal-être, deviennent alors des états qui nous dépassent. Nous sommes celle ou celui qui va bien, celle ou celui qui va mal. Nous nous identifions ainsi et sommes ainsi reconnus. Changer, évoluer, transformer tant la cognition que les comportements et de fait la relation à soi et aux autres serait la cause d’un bouleversement important, souvent difficile à mener et à accepter.

Au secours, je vais bien relève cette ambivalence. Désirer aller bien mais avoir peur de lâcher ce à quoi l’on s’accroche, redouter que ce « aller bien » ne soit pas pérenne – mais faut-il qu’il le soit, craindre de ne plus se reconnaître, de perdre ce que l’on connaît, de ne pas savoir construire ou vivre autre chose. Un désir qui dissimule ou est interrompu par cette crainte : et si « aller mal » était un état normal.
Ambivalence, car il existe aussi cette peur d’avouer ce qui ferait aller mal, ce qui ferait perdre un sentiment de contrôle ou de puissance. La certitude d’être imperméable ou, pour le moins, plus fort que les évènements, la crainte de se montrer fragile ou faible, ce qui serait une mise en danger, empêche d’être honnête avec soi-même. Mais si nous ne sommes pas honnêtes avec nous, avec qui allons-nous l’être ?

Ce sont ces différents points que j’aborde dans ce dernier recueil, paru chez City Editions, collection Ideo, en août 2021. En m’appuyant sur des témoignages, des exercices pratiques, des propositions de réflexions, je vous accompagne dans ce changement possible, cette réflexion nécessaire, jusqu’à accepter de pouvoir aller bien, quelque soit le regard porté sur vous.
Ce livre est une passerelle entre vous et vous, pour une meilleure acceptation et une meilleure connaissance de ce qui vous animer, pour apprendre à vous aimer tel que vous êtes et à développer votre individualité.

COMPRENDRE D’OÙ L’ON VIENT

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Ce que nous sommes aujourd’hui est la résultante d’un grand nombre de facteurs. Expériences personnelles, expériences interpersonnelles, éducation, lien social et culturel, lien familial… Nous pouvons citer grand nombre d’éléments qui permettent de « décoder » ce que nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous souhaitons. Chacun de nos actes semble donc avoir une raison, consciente ou inconsciente.

Et, comme de bien entendu, tout commence à la conception. Comme de bien entendu, même s’il est peu fréquent d’y penser. 
Pourtant, ce qui a entouré notre conception, les circonstances de la grossesse, et de l’accouchement, les premiers moments de notre vie, sont déterminants dans ce que nous serons.

Aussi je demande souvent à ceux qui me consultent s’ils connaissent les conditions de leur conception, et de leur vie pré-natale. 
Viennent alors des fragments d’histoire, des bribes, comme un puzzle auquel il manque des pièces mais qu’il faut pourtant reconstituer.

« J’étais désirée. Mais pendant la grossesse, mes parents ont du quitter le pays où ils vivaient. Ils se sont expatriés de force. Ils ont fait beaucoup de route en voiture. Ma mère devait être très fatiguée. Je suis née avant terme. »
« Je suis le dernier de quatre enfants. Je suis plus jeune, il y a beaucoup d’écart entre le troisième et moi. Maman était encore assez jeune quand je suis né. Papa était plus âgé. Maman ne veut toujours pas vieillir. Elle est toujours très jeune. Elle refuse le statut de grand-mère. Elle n’aime pas ma petite amie. »
« Je suis né 10 mois après ma soeur. C’était un bébé mort-né. On s’appelle Dominique tous les deux. »
Les témoignages rapportés ici le sont de manière concise. Il faut parfois plusieurs entretiens pour amener le consultant à se confier, à se livrer, voir à comprendre exactement ce qui lui est demandé. Ayant grandi avec des vérités, ou des secrets, parfois les deux, parfois chacun étant bien arrangé en fonction des désirs et intérêt familiaux, cette part intime de mon interlocuteur est enfouie et demeure difficile à mettre en pleine lumière. 
Quoiqu’il en soit, le contexte de la conception, et de la grossesse, détermine les premières injonctions que l’enfant puis l’adulte va recevoir.

Quelles que soient les circonstances, le bébé se voit dès la naissance attribuer un rôle qu’il ne peut choisir et déterminer. Il a ainsi une place prédéfinie. Le plus souvent, l’enfant puis l’adulte va rester fidèle à cette place. 
Plus discret encore, mais plus frappant quand mis en lumière est le choix du prénom. Il s’agit souvent de prénom familial, à histoire. Le choix du prénom ne peut se décoder qu’à partir du contexte. 
Très souvent lourd de sens et de passé, même s’il semble anodin, le prénom imprime déjà une trace sur l’enfant.

Je prendrai deux exemples particulièrement frappants. Ces deux exemples montrent le poids de la transmission, du devoir, de la responsabilité reposant sur l’enfant alors même qu’il n’est encore qu’au berceau. Et vous invite à y réfléchir. 
Dans les deux cas, les enfants sont issus de couples où la figure paternelle est omniprésente, vécue comme toxique par certains des enfants.



- Madame X m’appelle pour prendre un rendez-vous. Elle est séparée de son mari. La séparation fait suite à plusieurs années douloureuses, où la violence psychologique est sous-jacente. Madame X veut renouer avec ses fils qui sont dévoués corps et âme à leur père. Elle ne sait comment s’y prendre. Au cours de la discussion, elle me parle de son dernier fils, le moins fidèle au père, Jean-… Puis elle m’évoque un autre Jean-… je lui demande de me préciser de qui il s’agit. « De mon mari ! » Elle me parle alors des deux aînés, sans les citer. Je l’interroge : quels sont leurs prénoms ? Les trois fils s’appellent Jean-… Seul le deuxième prénom change. Mais comme leur père, ils portent un prénom composé, le premier des deux étant Jean. Le dernier fils porte en deuxième prénom celui de son grand-père maternel.

– Monsieur Y vient me voir depuis plusieurs fois. Il est en colère contre son père. Il ne comprend pas pourquoi. C’est une colère apparemment infondée. Le père s’est toujours bien comporté, les relations n’ont jamais été conflictuelles. Un jour, il me dit : « Cette fois, Pierre est allé trop loin ! » Qui est ce Pierre ? Son père. Il me parle ensuite de son frère aîné, Yves. Yves n’a aucun souci avec leur père. Pour en avoir parlé ensemble, la colère ressentie par mon client n’est pas partagée par Yves, qui d’ailleurs ne la comprend pas. Quelques semaines plus tard, mon client m’indique que sa femme est enceinte. Si c’est un garçon, il s’appellera Pierre. Comme votre père ? Oui, ça lui fera plaisir. Et vous ? Moi ? Ce sera lui donner le prénom que je n’ai pas porté. Je lui demande de préciser. Son frère, Yves, porte en deuxième prénom celui de leur père. Mon client ne le porte pas. Inconsciemment, il se sent non désiré, rejeté, et cherche à se racheter aux yeux de son père en donnant à son futur enfant le prénom du grand-père.
Ils ont eu une fille. C’est sa femme qui a choisi le prénom. Qui n’avait aucune trace familiale.