CONFLIT DE LOYAUTE ET CONFUSIONS CHEZ L’ENFANT / L’ADOLESCENT

 » Le conflit de loyauté peut se définir comme un conflit intra-psychique né de l’impossibilité de choisir entre deux situations possibles, ce choix concernant le plus souvent les sentiments ou ce que nous croyons en être, envers des personnes qui nous sont chères. »

De façon générale, la violence conjugale est gardée secrète et les enfants y étant exposés sont souvent clairement avertis (par le parent violent et manipulateur, par le parent agressé et culpabilisé) qu’ils ne doivent pas révéler à quiconque la présence de cette violence. Ces enfants doivent ainsi sceller leurs souvenirs et ne pas aborder le sujet, bien que les conséquences de la violence continuent d’affecter leur vie quotidienne. Ils occultent, peuvent se retrouver en état dissociatif. Ils sont alors clivés. Certains, les « résilients », vont surmonter en se créant leurs propres structures de pensée.

Les travaux de Boszormenyi-Nagy (1), systémicien, évoquent la loyauté entre enfants et parents et des situations hors normes où l’enfant est parentifié, ce qui engendre une loyauté verticale non maintenue. Le conflit de loyauté amène alors une indifférenciation générationnelle favorisant un contexte incestuel voire l’inceste lui-même. Le conflit de loyauté, tout comme le conflit psychique, amène l’individu à ne plus savoir se positionner face à des contradictions entre ses désirs et ses devoirs.

Il a été démontré que ce « conflit de loyauté » dans lequel est durablement plongé l’enfant est très destructeur pour la construction de la personnalité future de l’enfant. Pour l’enfant, ce conflit intra-psychique naît de la profonde impossibilité de choisir entre le père et la mère.

Le conflit de loyauté est un trouble majeur auquel se trouvent confrontés de nombreux enfants de parents divorcés et qui doivent constamment composer entre les désirs des parents souvent contradictoires, et entre les obligations et interdictions diverses de ces deux parents qui ne parviennent plus à s’entendre.
Ce conflit parental est une forme de violence psychologique, et devient destructeur de part la répétitivité des messages contradictoires que peut recevoir l’enfant de la part de ces deux parents.

Comme le secret de la violence est gardé aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la famille, l’enfant qui désire comprendre la situation et ses sentiments face à celle-ci est forcé de le faire seul, ce qui augmente son sentiment d’isolement . Cette situation peut présenter des risques émotionnels et physiques pour les enfants, les jeunes n’étant pas totalement conscients de la sévérité de la violence ni du risque actuel ou du potentiel de danger physique y étant associé.

Les rapports avec les parents sont modifiés, inversés, et déstructurants. L’enfant est souvent parentalisé. Ses repères trop faibles et trop mouvants l’empêchent de se structurer sereinement. Les jeunes peuvent percevoir leur mère comme étant faible et éprouver du mépris envers cette dernière. Ils peuvent alors percevoir leur père comme la personne détenant le pouvoir dans la famille, ce qui peut provoquer l’admiration des enfants.
Parfois, la mère peut aussi désirer quitter cet environnement violent et les enfants peuvent alors percevoir celle-ci comme la cause de la séparation de la famille et se ranger du côté de leur père. Les enfants peuvent donc éprouver des sentiments contradictoires alternants fréquemment entre l’amour et la haine, l’attachement et le détachement, la proximité et le rejet à l’égard de l’un ou l’autre de leurs parents. Par ailleurs, cette ambivalence est un processus normal du développement caractérisant le plus souvent les enfants autour de deux ans. Chez les enfants exposés à la violence conjugale, l’ambivalence est nettement présente et ce, à tous les âges.  Si l’exposition à la violence conjugale perdure, le conflit de loyauté de l’enfant peut devenir de plus en plus intense et ce jusqu’à devenir carrément insoutenable. L’enfant peut alors prendre position pour l’un ou l’autre de ses parents afin d’atténuer l’intensité de ses émotions déchirantes.

Un contexte de domination et d’agressivité

Il est aussi probable que le jeune prenne position en faveur du conjoint exerçant la violence et reproduise dans ses relations interpersonnelles, actuelles et futures, les comportements de domination et d’agression appris au sein de sa famille.
Les enfants s’alliant à leur père éprouvent de l’admiration envers la supériorité de ce dernier. Ils développent une vision dichotomique des conflits, caractérisée par la présence de gagnants et de perdants, et en viennent à concevoir la violence comme un moyen légitime d’obtenir la victoire lors de désaccords. La rage et la colère sont des éléments centraux du vécu émotionnel de ces jeunes.
Les enfants ayant intégré ce modèle sont également susceptibles de devenir eux-mêmes des agresseurs dans leurs futures relations intimes.

La recherche d’une image parentale. 

Le jeune pris dans le contexte conflictuel et de fait soumis au conflit de loyauté peut vouloir trouver dans son entourage une figure emblématique capable de remplacer celle défaillante. Il va se tourner vers un proche (membre de la famille, frère ou soeur aîné(e), éducateur, parent d’amis…), accordant alors à celui qu’il va désigner comme le remplaçant de son parent violent ou défaillant les qualités et les compétences qu’il veut. Le plus souvent ces qualités et ses compétences sont exagérées, fantasmées, compensant la souffrance tue du jeune en souffrance. Il va se montrer d’autant plus exigeant qu’il est en recherche de perfection, et ne fera de ce fait aucune concession à celui ou celle qu’il va désigner comme « remplaçant », comme figure emblématique.
Il faut cependant noter qu’un jeune particulièrement soumis à la violence sera d’autant plus fragilisé… Devenant à son tour une proie si la figure emblématique choisie par lui n’est pas bienveillante. Lui accordant une pleine et entière confiance, il ne se tiendra pas à l’écart de dangers qu’il ne peut deviner ou comprendre.

C’est à l’adulte pris comme figure emblématique de faire preuve de discernement. Quel que soit le comportement du père ou de la mère de l’enfant pris dans un intense conflit de loyauté, l’adulte « élu » doit savoir rester à sa place et rappeler à cet enfant qu’il n’est si son père, ni sa mère. Qu’il peut être un repère (attention, ce mot devient ici ambivalent : re-père…), qu’il peut l’accompagner, le guider, lui donner des limites. Qu’il accepte l’amour et la confiance de l’enfant tout comme il lui en donne. Mais il ne pourra jamais être celui ou celle que, de fait, il n’est pas : le géniteur de l’enfant.

(1)Avec la thérapie contextuelle, Yvan Boszormenyi-Nagy inaugure un nouveau paradigme en thérapie familiale : l’enfant n’est plus – selon la représentation en vigueur chez les psychanalystes – ce pervers polymorphe, tout-puissant, aux fantasmes incestueux et meurtriers, il est désormais capable de discernement, de réciprocité positive (logique du don) ou négative (logique de représailles), d’engagement face à ses parents souvent vulnérables et en conflit. L’enfant parentifié, se pose en premier tribunal de l’humanité ; il tente de réparer, au-delà de toute dette, ses parents ou ses ancêtres maltraités par la vie, par l’histoire ou par leurs liens.

INCESTE ET INCESTUEL

Rappel des derniers chiffres :
L’inceste c’est, encore aujourd’hui, 1 fille sur 5, 1 garçon sur 13.
C’est chez vos voisins, vos cousins, vos amis, vos proches. Peut-être chez vous.

L’incestuel est à l’inceste ce que la violence psychologique est à la violence physique : caché, tu, indicible, incompréhensible. Il en est la racine et la conséquence. Dans le secret le plus parfait, l’absolu mutisme. Il est criminel.

Le samedi 5 mars 2016, j’organisais un groupe de discussion autour d’un thème particulièrement douloureux, et intime : l’incestuel et l’inceste. Ce groupe s’est réuni en présence de Sophie Chauveau, écrivaine, auteure de La fabrique des pervers , paru en avril 2016 chez Gallimard. Sophie Chauveau est venue présenter son livre, « autobiographie » familiale, l’histoire des prédateurs sexuels de sa famille imposant l’inceste sur cinq générations. Un livre que Camille Kouchner évoque largement quand elle parle de son histoire et de son livre, La familia grande.


L’inceste, sujet encore bien trop tabou pour tout ce qu’il comporte de destruction et de violence sexuelle, ne peut être passé sous silence. L’ignorer, c’est ignorer les victimes de cette violence particulière, de cet acte criminel infligés par un parent (parent entendu au sens de la loi, donc comme tout ascendant ayant un lien d’autorité et d’éducation à son enfant. L’ignorer, c’est refuser d’entendre celles et ceux qui en ont été victimes, et qui le demeurent, même à l’âge adulte. L’ignorer, c’est admettre a contrario
qu’un parent puisse s’octroyer tous les droits sur son enfant, toutes les possessions et toutes les cruautés. Taire l’inceste, l’ignorer, le minimiser, se montrer « surpris », c’est être complice.
L’inceste est défini par la loi – modifiée en 2010 pour « élargir le champ des possibles coupables » – à toute personne ayant de fait ou de droit un rapport d’autorité à l’enfant au sein de la famille, incluant les frères et sœurs, les cousins, les conjoints suite à une nouvelle union. Jusqu’en 2010, l’inceste ne tombait pas sous le coup de la loi (loi de 1998) : c’est l’abus sexuel sur mineur, (aggravé si l’abuseur a une position parentale, éducative : père, beau-père, père adoptif, tuteur, éducateur…) qui était répréhensible et condamnable. (L’inceste entre adultes consentants n’est pas illégal…). Depuis, la loi du 8 février 2010 punissant spécifiquement l’inceste commis sur les mineurs, qui était jusqu’ici considéré comme une circonstance aggravante des crimes et délits sexuels, a été votée. Ce texte prévoit l’inscription de la notion d’inceste dans le code pénal et dispose que les viols et agressions sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis « au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».
Si la loi condamne l’inceste, elle limite sa pénalisation dans le temps, puisque ce crime reste prescriptible ; et la prescription est de 30 ans une fois la majorité atteinte. Ce qui signifie que passé 48 ans, aucune plainte ne peut plus être déposée contre l’agresseur. Or, la fracture psychique et l’horreur vécue par les victimes causent souvent, avec le trauma, une amnésie. Et c’est bien longtemps après, … bien après 48 ans…, que la mémoire se réveille, autorisant la victime à dire. À dire. Mais pas à dénoncer. Car, au regard de la loi, il est trop tard pour le faire…

L’incestuel est un néologisme créé par Paul-Claude Racamier (médecin psychiatre) destiné à expliquer l’ambiance trouble dans une famille sans passage franc à des actes sexualisés. Il définit un climat malsain et délétère où les relations revêtent un caractère incestueux.
Le parent s’approprie le corps de son enfant sans le différencier de lui-même, sous couvert de principes éducatifs ou pour la santé de son enfant. Au contraire de l’inceste, le parent n’est pas forcément conscient, ni de l’interdit, ni de son érotisation si c’est le cas, ni des dégâts infligés à son enfant. Les enfants, n’ayant en référentiel que celui de leur famille, pensent qu’il s’agit-là d’un modèle légitime.

Le climat incestuel est une vraie relation incestueuse. L’enfant n’est envisagé ni dans son statut d’enfant ni de descendant. Les adultes se l’approprient et l’empêchent de se discerner d’eux.
Comme l’inceste « vrai », consommé, le climat incestuel transforme l’enfant en objet.
Le climat incestuel est d’autant plus pernicieux qu’il ne s’exprime pas, qu’il repose sur des sensations. L’enfant est dans le flou. Se fait-il des idées ? À l’âge adulte, l’autonomie est difficilement acquise puisque l’enfant appartient au(x) parent(s). L’adulte reste infantilisé. Il n’a pas le droit et ne peut se détacher. Il n’arrive pas à sortir de la fusion avec le(s) parent(s) incestueux.
L’incestualité s’oppose à l’interdit, niant les différences entre les sexes, les êtres et les générations. L’enfant confronte l’adulte à l’enfant en lui, souvent non séparé complètement de ses propres parents. Cette remise en cause chez l’adulte s’exprime par un laxisme étonnant, une réelle difficulté à prendre position face à l’enfant, à assumer sa place de parent qui pose les limites et détient la loi pour le bien-être de celui-ci. Cette attitude peut être associée à un sentiment de culpabilité qui pousse le parent à vouloir faire mieux ou autrement pour son enfant que ne l’ont fait ses propres parents avec lui. Le risque est de basculer dans un trop grand laxisme et de laisser l’enfant devenir « tout-puissant »

Inceste vient du latin in-castus, « impropre, impur ». Dans un sens proche, nous trouvons aussi le mot « souillé » qui signifie « tâcher quelque chose, le maculer, le couvrir de quelque chose qui salit » mais aussi « contaminer par l’introduction d’impuretés, de germes dangereux » ; et enfin : « altérer ce qui était pur, intact, irréprochable, le marquer d’une tache morale». « Souillé » désigne donc un acte physique, mais aussi un affront moral. Le sens étymologique de ces mots renvoie à la notion de limite : limite franchie, intrusion par quelque chose de dangereux qui salit. L’inceste se définit comme un rapport sexuel entre deux personnes de même parenté : d’un parent sur son enfant ou d’un frère sur une sœur. L’inceste renvoie à un événement qui a eu lieu effectivement, c’est une violence profonde, sans échappatoire, dirigée sur un corps souvent physiquement plus faible et sexuellement immature. Il en ressort pour l’enfant le secret, la honte, une culpabilité effrayante, une confusion et une perte de repères quant à ses propres limites face à la violence de l’effraction. C’est l’inceste physique. Mais si l’inceste exige un rapport sexuel, il n’est pas que cela, il est aussi un type de relation à l’enfant. L’idée sous-jacente étant que l’évitement de l’acte sexuel incestueux n’évite pas la relation incestueuse.

L’incestuel est « un inceste sans passage à l’acte ». Il y a un point commun à ces deux violences : tout « inceste », qu’il soit physique ou moral, est d’abord une emprise qui s’exerce à un niveau narcissique : « ce sont des affaires narcissiques avant d’être des affaires sexuelles» dit Racamier, « l’abus sexuel, quand il existe, ne prenant que la relève de l’abus narcissique ». L’incestuel
ne peut surgir et persister que si la famille est complice et / ou contaminée : on parle de famille pathologique. Dans l’incestuel, l’interdit social intériorisé fait défaut et est remplacé par l’emprise, visant à dénier toute distance entre l’enfant et le parent risquant d’entraîner la différenciation. Au-delà de cette notion de narcissisme existe le secret qu’il ne faut surtout pas lever. L’inceste perdure et se transmet, devenant presque une « marque de fabrique », en tout cas un moyen d’être inconsciemment « admis » comme membre à part entière de la famille. « J’ai appartenue à mon père, comme mes frères lui appartenaient. Il a laissé nos oncles nous toucher. Aujourd’hui, mes frères reproduisent avec mes nièces ce que nous avons vécu enfants. J’ai protégé les miens. J’ai coupé les ponts. J’ai voulu dénoncer. J’ai été traitée de menteuse. Je ne mens pas. Ils n’auront pas mes filles. »

L’incestuel, pour P.-C. Racamier, qualifie « ce qui dans la vie psychique individuelle et familiale porte l’empreinte de l’inceste non fantasmé, sans qu’en soient nécessairement accomplies les formes génitales ». L’accent doit porter ici sur « non fantasmé ». L’inceste fantasmé, comme le meurtre fantasmé, définit en effet l’œdipe. L’inceste et l’incestuel ne relèvent pas du fantasme (du moins pas du fantasme mental) mais de l’agir (du fantasme agi).
Selon P.-C. Racamier : « L’inceste n’est pas l’œdipe, il en est même tout le contraire. »La relation incestuelle se définit comme « une relation extrêmement étroite, indissoluble, entre deux personnes que pourrait unir un inceste et qui cependant ne l’accomplissent pas, mais qui s’en donnent l’équivalent sous une forme apparemment banale et bénigne » (1992).
Ce qui différencie l’œdipe de l’inceste est qu’ici il y a un secret qui fait alliance avec un déni, le déni de la faute, le déni de la culpabilité. P.-C. Racamier affirme : « Le patient qui couche avec sa mère le fait non parce qu’il la désire, mais au contraire pour éviter de la désirer. L’acte pare au fantasme : « l’inceste a une fonction, celui de pare-feu libidinal. En exauçant le désir il vise à le
tarir, évacué d’avance le désir sera satisfait sans fantasme. Il ne reste rien à
désirer.
« 
La banalisation apparaît comme un obstacle majeur à la possibilité de repérer l’incestuel. Elle est fréquente chez les pervers qui tentent de faire passer pour normales, voire naturelles des conduites ou des situations familiales dans lesquelles des liens incestuels ou incestueux sont à préserver à tout prix.

Le cadre familial incestuel réside dans une confusion des places au sein de la famille. L’incestuel commence avec l’exhibition sexuelle ou « inceste moral » : les actes de faire l’amour devant son enfant, parader nu, tenir des propos à caractère sexuel, visionner des films pornographiques avec son enfant… sont considérés comme relevant de l’incestuel. Utiliser son enfant comme confident de ses aventures sexuelles, le photographier nu 1 ou dans des situations érotiques également. L’atmosphère qui règne dans les familles incestuelles est à la fois saturée de sexualité latente et marquée de la plus grande pudibonderie : c’est ainsi
qu’on pourra éteindre la télévision pour épargner aux enfants la vue d’une scène d’amour, mais aller avec toute la famille passer régulièrement les vacances dans un camp de nudistes. Or si l’enfant exprime un malaise, celui-ci doit être entendu.
Personne n’est obligé – en principe – à se montrer nu, à s’exhiber, à être exhibé.
L’autorité n’y est pas reconnue, de même que l’altérité. Les enfants de ces familles sont des enfants mais en même temps ils peuvent – et souvent doivent – se poser comme parents des parents ou du moins remplir telle ou telle fonction parentale :
« Quand ton père n’est pas là, c’est toi l’homme de la maison. » Le fonctionnement incestuel est difficilement perceptible, il est parfois simplement indiqué par le fait que les enfants n’appellent pas leurs parents papa et maman mais les désignent par
leurs prénoms. « Quand j’ai eu 13 ans, ma mère a trouvé que « maman » était ridicule ; Je devais l’appeler par son prénom. Et nous devions être copines. »
La confusion des identités est importante. Il n’y a pas de limites entre vie privée et vie familiale. La porte de la chambre à coucher des parents ne ferme pas, les enfants ne sont pas protégés de la sexualité des parents. Cette chambre devient un lieu de rencontre de toute la famille, des enfants et des amis des enfants, la télévision étant le prétexte à toutes les intrusions : la confusion entre l’espace privé et public est prévalente et révélatrice d’incestualité.
L’incestualité constitue une forme de ce que l’on est en droit d’appeler un « meurtre psychique ».

L’inceste ou l’incestuel touchent toutes les catégories sociales, sans exception.
Il n’est pas rare d’entendre des cas de climats incestuels qui se sont mis en place sous l’œil bienveillant de l’entourage, qui fait mine de ne pas voir, de ne pas savoir, de ne pas pouvoir agir ou parler. La négation de l’incestuel, tout comme celle de l’inceste, est une deuxième trahison pour l’enfant. D’une part la protection attendue n’a pas été au rendez-vous. D’autre part, une chape de culpabilité se met en place car la personne concernée se surprend à penser qu’elle a exagéré les événements.
Voir à ce sujet Eva, de Simon Liberati – histoire de Eva Ionesco, fille de Irina Ionesco et utilisée
comme modèle par sa mère pour des photos à caractère érotique et/ou pornographique. Voir aussi
My little princess, réalisé par Eva Ionesco.


Les enfants n’ont comme référentiel que celui de leur propre famille et pensent qu’il s’agit-là d’un modèle légitime. Il est de bon ton d’être attentif sans excès aux signes pouvant traduire un certain mal-être chez son enfant. Il peut y avoir de la maladresse car certains parents ne voient pas grandir leurs enfants, une absence de sensibilité ou une envie de trop bien faire. C’est là qu’il faut être vigilant. Si l’adolescente montre sa gêne, que le fils détourne le regard de sa mère dénudée, que l’enfant devient tout-puissant, il est important de saisir ces signaux.
C’est dans la répétition de ces actes gênants que prend naissance l’incestuel, qui se différencié du geste banal d’un parent bienveillant. Ce dernier cessera toute activité mettant l’enfant mal à l’aise, alors que celui qui est pris dans l’incestuel, ignorera le
mal-être de l’enfant.
Le complexe d’Œdipe, formulé par Freud, évacue presque totalement la responsabilité des adultes dans la genèse des troubles psychiques. La psychanalyse et les avancées thérapeutiques qu’elle a suscitées durant le siècle dernier ont joué un rôle majeur dans la mise en lumière des traumatismes infantiles fondamentaux que sont l’inceste et les abus sexuels. Pourtant, dès l’origine du mouvement psychanalytique, quelques thérapeutes et théoriciens ont pris au sérieux la parole des patients qui leurs livraient émotions et souvenirs intimes : il s’agit de thérapeutes comme Sandor Ferenczi ou Wilhelm Stekel, disciples puis dissidents
de Freud. Pour Sandor Ferenczi, l’héritier spirituel un moment pressenti du père de la psychanalyse, son différend avec Freud et sa mise à l’écart par celui-ci résida clairement dans le fait que Ferenczi ne se décidait plus à remettre en question la réalité des traumatismes rapportés par ses différents patients. Certains textes et discours, dont notamment La confusion de langue entre les adultes et les enfants qui décrivait déjà à l’époque assez précisément et courageusement la dynamique psychologique de l’abus sexuel et incestueux, le tinrent définitivement à l’écart du courant analytique officiel. Ferenczi déclarait notamment que :  » le complexe d’Œdipe pourrait bien être le résultat d’actes réels commis par des adultes, c’est-à-dire de passions violentes à l’égard de l’enfant, qui alors développe une fixation, non par désir, mais par peur.  » ou encore  » L’objection, à savoir qu’il s’agissait de
fantasmes de l’enfant lui-même, c’est-à-dire de mensonges hystériques, perd de la force, par suite du nombre considérable de patients en analyse qui avouent eux-mêmes des voies de fait sur des enfants. « .
De fait, la plupart des souvenirs de scènes traumatiques ne se manifestent aux victimes que sous la forme de symptômes physiques, de troubles sexuels, d’angoisses cryptées, de fantasmes, de rêves ou de régressions sans rapport avec un
traumatisme consciemment remémoré par le sujet. Il est donc aisé pour un thérapeute de dire à son patient que ces images et émotions sont des fantasmes œdipiens, irréels et sans support historique dans la vie de celui-ci.
La théorie freudienne, déjà remise en cause par Ferenczi, le sera également, et entre autres, par Alice Miller. Avant tout praticienne, c’est ainsi qu’elle a pu avec ses écrits à partir de cas de personnages historiques ou de personnes dont a elle a
pu avoir la charge et elle a pu ainsi démontrer l’importance de certaines souffrances enfantines. L’enfant est un être en devenir, et s’il se sent menacé par son entourage, il devra non seulement faire face seul à ses pulsions et vivre dans la terreur des adultes. L’origine du trauma peut dans un processus psychothérapeutique aide à lever le voile sur des vécus plus que difficiles.
L’inceste est la trahison de la confiance la plus élémentaire et indispensable devant être la source de l’équilibre moral et physique d’une famille – quelle que soit la famille. L’inceste en effet, dans le nouveau cadre légal, est défini comme « toute atteinte sexuelle commise sur un mineur par son ascendant, son oncle ou sa tante, son frère ou sa sœur, sa nièce ou son neveu, le conjoint ou le concubin de ces derniers, et le partenaire lié par un PACS avec l’une de ces personnes. »
Le parent n’est donc plus entendu au sens génétique stricto sensu, mais de manière symbolique, comme celui ou celle détenant une autorité générationnelle et éducative sur l’enfant.

L’inceste est défini par le passage à l’acte physique et sexuel, comme la consommation d’une relation sexuelle entre un père et sa fille ou un frère et une sœur, une mère et son enfant ou petit-enfant… Les « combinaisons » sont aussi nombreuses que dramatiques, toutes aussi dramatiques, sans échelle de valeur. Toutes DETRUISENT.
Sont également qualifiés d’actes incestueux, les attouchements sur les parties sexuelles, forcés ou demandés.
L’inceste est un comportement qui exige le secret. L’enfant a nécessairement besoin dans sa construction d’affection, et que cette affection se manifeste par un contact (être pris dans les bras, recevoir un baiser…). Mais ces contacts ont leurs limites là où apparaissent les tabous et les valeurs de la société. Ce qui est interdit, prohibé par la loi ou la morale, à savoir le contact charnel, sexuel qui interrompt la possibilité de choisir et de s’opposer, ainsi eu la réflexion et l’évaluation des notions de bien et de mal, est source d’inceste.
Ainsi de ce grand-père qui apprenait à nager à ses petits-enfants. En apparence, rien de particulier à les tenir, en maillot de bain, dans l’eau, pour leur permettre l’acquisition de certains mouvements. Les parents laissaient leurs filles en toute confiance, se disant qu’elles avaient la chance d’être avec leurs grands-parents, au soleil, près d’une piscine. Cependant ce grand-père « profitait » de la situation pour glisser ses mains entre les cuisses de ses petites-filles, âgées de 8 et 6 ans. C’est l’aînée des deux petites files qui a alerté ses parents : «Papi me fait des guilis dans la culotte quand je nage et j’aime pas beaucoup. »

L’inceste est la maltraitance envers les enfants qui éveille le plus de dégoût, tout autant que de rejet. Longtemps tu ou nié, il est aujourd’hui, enfin !, un sujet de discussion publique. Pour autant, évoquer l’inceste, en éveiller le soupçon au sein d’une famille, est encore très difficile. Il ne faut pas oublier que l’inceste se produit quelque soit le milieu social, le pouvoir économique, le développement intellectuel et culturel de la famille.
« Je ne me suis rappelée des attouchements dont j’étais victime de la part de mon père qu’il n’y a très peu de temps. C’est un homme d’affaires important, un patron. C’est un notable, dans notre ville. Impossible pour moi de le dire : je n’ai pas été
crue par ma famille. Papa est trop intelligent et a trop bien réussi pour être capable d’inceste. Il a cherché à me faire taire. Cela fait un mois que je suis internée, suite à une HDT (Hospitalisation à la demande d’un tiers). »
L’adulte violent sexuellement ne sait pas contrôler ses pulsions. « Regardez-la, regardez ces vêtements, son maquillage, elle n’attendait que ça… ! » S’il est vrai que certains adolescents peuvent être provocants dans leurs attitudes ou leurs gestes,
par manque de recul, manque de limites et de repères, besoins de se découvrir et d’affirmer leur personnalité, c’est à l’adulte de mettre des limites. Il doit être en mesure d’exercer un contrôle, non sur l’autre, mais sur lui-même.
Selon l’AIVI, « l’inceste peut être un viol : soit, tout acte de pénétration par voie orale (fellation), anale (sodomie) ou vaginale imposé avec une partie du corps de l’agresseur (doigt, pénis…) ou par l’utilisation d’un objet. L’inceste peut aussi
prendre la forme d’une agression sexuelle consistant à imposer un toucher sur le corps de l’enfant avec son propre corps (se frotter contre l’enfant, cunnilingus, masturbation…) à des fins de satisfaction sexuelle. L’enfant peut être forcé à pratiquer des gestes de masturbation sur l’agresseur, à l’embrasser ou le toucher où il le demande.
L’inceste, c’est également le « nursing pathologique » : sous couvert d’actes d’hygiène ou de soins, l’agresseur assouvit ses pulsions en pratiquant des toilettes vulvaires trop fréquentes, des décalottages à répétition, des prises de la température
inutiles plusieurs fois par jour, lavements…et ce jusqu’à un âge avancé de l’enfant. C’est une relation extrêmement fusionnelle qui s’instaure dans laquelle l’enfant est un objet sexuel.
L’inceste inverse les rôles : l’enfant devient le parent du parent, crée la peur et place la victime dans une constante insécurité. L’acte en lui-même provoque une sidération et une dissociation (phénomène de se couper en deux : sortir de soi-même) pour survivre à l’insupportable.
L’inceste est tellement traumatisant que la victime doit dans la plupart des cas, pour survivre, oublier et se plonger dans le déni, mécanisme de défense qui se met en place pouvant provoquer l’oubli total des faits. Dans ce cas, personne ne peut savoir quand les souvenirs vont se manifester à nouveau.
L’inceste ne survient pas comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu. L’inceste survient dans des familles où les limites sont floues, parfois depuis plusieurs générations. L’inceste survient dans les familles à transactions incesteuses / incestuelles.

F. Amblard propose une typologie de 3 couples parentaux que l’on retrouverait dans les familles incestueuses :

  • père dominant, mère soumise, disqualifiée par le mari ; la fille est parentifiée
    jusqu’à remplacer la mère auprès du mari ;
  • père soumis, mère dominante : elle disqualifie, humilie, méprise le mari qui se «
    console » auprès de sa fille ;
  • père et mère dominants, l’enfant sert de régulateur de tensions conjugales ; le
    père se rapproche de la fille pour « punir » sa femme.
    L’équilibre de la famille repose sur le secret, maintenu par des injonctions contradictoires (double- bind) qui enferment l’enfant dans la confusion psychique : « nous sommes une famille exceptionnelle ; tu as bien de la chance, tu ne dois rien dire de ce qui se passe à la maison… ». La levée du non-dit ferait exploser la famille (placement, séparation, incarcération…). Dans tous les cas ces couples sont immatures, et par leur immaturité même ne peuvent envisager la séparation. L’agresseur implique la victime dans un conflit de loyauté pour obtenir son silence en utilisant des phrases du type : « Si tu parles, tu vas détruire la famille ».

    Conséquences de l’inceste
    Lorsque l’abus survient dans la vie d’un enfant, sa personnalité est en plein développement ; il est généralement déjà en carence affective, puisque l’inceste survient dans des familles à transactions incestueuses (flous des limites, flou générationnel, couple parental immature, emprise…). Les dégâts vont dépendre de l’âge, de la fréquence et de la répétition, la forme du traumatisme… Il n’y a pas d’inceste « soft ». Pour la victime, l’inceste, c’est Hiroshima.
    C’est une invasion sensorielle à laquelle il n’est pas préparé, physiologiquement (en fonction de l’âge) et psychiquement : l’enfant cherchait de la tendresse, de la reconnaissance, de l’attention, il reçoit du sexe. « Son système sensoriel est saturé,
    son système émotionnel est trompé » (Amblard, p. 27)
    a) Destruction de l’imaginaire
    L’imaginaire se construit sur un mélange de fantasmes oedipiens et de non-passage à l’acte (l’enfant fantasme « j’épouserai maman », « j’épouserai papa », mais bien sûr, ne passe pas à l’acte !). Mais dans l’abus, il y a passage à l’acte (du parent sur
    l’enfant) et absence de fantasme (le passage à l’acte du parent tue le fantasme sain de l’enfant) Le passage à l’acte détruit le fantasme puisque celui-ci peut être suivi de réalité : l’imaginaire est détruit.
    L’enfant abusé / incesté n’a plus de place, il n’est plus personne : l’abuseur ne reconnait pas l’autre dans son altérité, car il l’a pris comme un objet. L’enfant incesté est mis à une place qui n’est pas la sienne. Dans le développement de l’enfant, celui-ci constitue son identité dans le regard de l’autre. Là, l’autre ne le regarde pas, l’autre l’annihile. (Les abuseurs, lorsqu’ils abusent, sont sans empathie, ils n’éprouvent que leur propre monde mental qu’ils projettent sur l’autre : « c’est lui/elle qui voulait », « c’est lui/elle (la victime) qui avait envie, qui m’a allumé… »).
    b) L’enfermement dans la solitude
    l’enfant qui subi l’inceste est dans une confusion mentale totale ; tous ses repères, s’il en avait, ont volé en éclat ; il est
    comme pétrifié, enfermé par les injonctions contradictoires et le secret. Il n’est plus un enfant comme les autres ; seul parmi ses pairs, qui pourrait le comprendre ?…
    Conséquences de ces conséquences : l’enfant se coupe de son ressenti. Reste comme un magma de sensations non nommées, non reconnues : l’alcool, la drogue, l’anorexie, la boulimie, pourront être plus tard des moyens de faire taire ses sensations « inrepérables ».
    c) Culpabilité et honte : l’abus disqualifie l’enfant, « je suis nul, c’est de ma faute,
    c’est bien fait pour moi, de toute façon, je ne vaux rien ». Si l’abuseur a rendu l’enfant responsable, le sentiment de honte et de culpabilité sera renforcé… : il porte la honte que son agresseur ne ressent pas. En effet, la honte est une émotion humaine et sociale : elle est le « clignotant rouge » qui s’allume à chaque fois que nous risquons de franchir la ligne qui sépare l’humain et de l’inhumain. Le criminel ayant, pour franchir la ligne, refoulé (inconsciemment) sa honte, elle est projetée sur la victime, qui porte alors la honte de son agresseur.
    L’enfant victime n’est en rien coupable : toute la culpabilité appartient à l’abuseur, et aux adultes qui sont responsables de l’enfant et n’ont pas su/pu/voulu le protéger) ; les conséquences peuvent être alors que toute autre expérience de plaisir ramène à l’abus ; que le plaisir soit recherché de manière compulsive, et/ou que le plaisir de la relation affective soit clivé du plaisir sexuel.
    d) L’incapacité à dire non, à poser des limites
    L’enfant n’en a jamais connues (l’absence de limites préexistent à l’inceste). De plus l’envahissement corporel détruit la sensation de limites ; enfin, le fait de se couper de son ressenti augmente encore l’incapacité à ressentir les limites. Le
    développement de l’identité de l’enfant, en construction au moment de l’abus, s’arrête et se fige en se construisant sur l’abus.
    Le désir est devenu pervers ou dangereux, le plaisir est ambigu, le lien d’amour est trop risqué (on y risque son intégrité et son être), et la sexualité ne peut s’inscrire dans un lien d’amour.

    Le devenir de ces personnes victimes est abîmé, perturbé, fractionné, avec des risques graves qui s’étaleront dans le temps :
  • Dépressions chroniques
  • Délinquance,
  • Echec scolaire, professionnel
  • Troubles sexuels et troubles affectifs
  • Anorexie, boulimie, toutes les addictions,
  • Prostitution
  • Tentatives de suicide et/ou suicides
  • Bouffés d’angoisse
  • Bouffées délirantes, psychoses
  • Troubles graves de l’image corporelle
  • Rituels obsessionnels de lavage
  • Reproduction à la génération suivante (8%)
  • Sexualité compulsive ou absence de sexualité
  • Tendance à vivre des relations abusives (affectives, sexuelles,
    professionnelles…)
  • Incapacité à vivre simultanément amour et sexualité dans une même
    relation…

    L’AIVI est une association internationale à but non lucratif, animée par un groupe de survivants de l’inceste, de proches de survivants et de citoyens impliqués dans la lutte contre le fléau de l’inceste. Elle a été fondée par Isabelle Aubry, survivante de l’inceste, en 2000. L’association est ouverte aux victimes de l’inceste et à leurs proches et à toute personne citoyenne du monde, désireuse de soutenir la cause que nous défendons. L’inceste n’a pas de frontières, AIVI non plus. Partout où ce fléau sévit, nous avons une raison d’être et d’agir. http://aivi.org

  • Lire également ce témoignage : « Parfois on a envie que tout s’arrête, que toute cette souffrance et cette injustice cessent et laissent leur place à un bonheur indéfectible. On a banalisé l’inceste pendant des années alors qu’il est aujourd’hui qualifié du pire crime possible par des psychologues, des psychiatres, des professionnels de l’enfance ou du social. Le fait est que oui, c’est le pire crime possible. Bien sûr, les autres crimes sont horribles également, ils sont douloureux aussi ; nous ne disons pas le contraire. Seulement, l’inceste, par définition, c’est une personne ayant autorité (un père, une mère, un beau-père, une belle mère, une sœur, un frère, un grand père, une grande mère, un oncle une tante…) sur un enfant qui lui fait subir une agression sexuelle. Ça peut être des attouchements ou bien des viols. C’est une atrocité sans nom pour la victime. Ce que l’on a dans notre tête quand ça nous arrive, c’est du vide. Notre cerveau part dans une autre dimension parce que c’est beaucoup trop dur à accepter. On a mal, on a froid, on a peur mais on ne dit rien. Comment dire à sa mère « arrête ! qu’est ce que tu fais avec tes doigts en moi ? » ou à son père « mais papa, pourquoi tu mets ça en moi ? ». On ne dit rien, simplement parce que ce sont nos parents, parce que soit l’on ne sait pas que ce n’est pas normal, soit nous avons tant de respect pour la personne, pour la figure d’autorité qu’elle représente ;qu’on ose rien dire et qu’on ne se rebelle pas. Il n’y pas lieu donc, d’avoir de notion de consentement. Comment pourrait-on consentir à une atrocité de la sorte ? Comment pouvons-nous tenir tête à un adulte si conscient, qui sait ce qu’il fait ? Comment pouvons nous nous défendre quand on nous force ou bien refuser quand c’est amené avec tant de douceur. Nous sommes, nous étions des enfants, ce n’était pas à nous de dire « oui » ou « non ». Cette question n’a pas lieu d’être dans l’instruction. Tout, dans ces situations, est très paradoxal. On a besoin d’amour, alors on est prêts à tout pour ne jamais se retrouver seuls, on a besoin d’avoir une famille, alors on ne parle pas. Quand on parle, on fait tout pour nous faire taire. On dit que c’est nous le problème, que de toute façon, on a jamais rien compris à ce qu’étaient vraiment les relations familiales.
    Ces familles, c’est le royaume de l’omerta. Ces familles, elles culpabilisent les victimes, elles engorgent la justice et elles pourrissent des vies. On pourrait se dire qu’une fois que l’on a mis des mots sur nos maux ; tout va mieux, tout est fini. Ce n’est pas vrai, au contraire. Parler, c’est le début d’un long chemin de souffrance. Parler, c’est ramener une sorte de réalité dans cet incroyable monde indescriptible. C’est se remémorer des actes terribles, douloureux. C’est devoir aller porter plainte pour se faire entendre, c’est ensuite, entreprendre des psychanalyses, des thérapies de tout genre. Quand on a vécu ça, on est morts à l’intérieur. On a beau mettre tout en œuvre pour vivre de façon agréable, en essayant de créer du lien avec les gens qui nous entourent, en essayant de se rendre utile : on est morts à l’intérieur. Tout en nous est déréglé, nous ne savons pas comment faire avec les gens, nous ne savons pas si l’on doit expliquer pourquoi on a si peur de prendre le bus, de marcher dans la rue. Nous ne savons tout simplement pas. On a plus de famille parce qu’on a parlé et que du coup, ils nous abandonnent (bien souvent littéralement, nous n’existons plus), mais en plus on doit supporter la double peine que nous inflige le dépôt de plainte. Nos parents, notre famille, qui doivent nous protéger, ne l’ont pas fait. C’est le grand problème : on a été construits sur des modèles complètement hors de toute réalité. L’après est loin d’être plus simple que le pendant. L’après est fait de cauchemars, de doutes, de peurs, de solitude, de pleurs. On est taraudés entre de la colère, l’envie de tout oublier, l’envie de faire bouger les lignes, l’incompréhension de la majorité des gens, l’envie d’être normaux, heureux et cet épuisement de toujours répéter. L’inceste touche énormément d’enfants. Ce ne sont pas las auteurs qu’il faut protéger ; ce sont ceux à qui on ôte a vie par cet acte. Ils sont toujours en vie physiquement, mais leur psychisme est mort. Ils deviennent addicts, dépressifs, violents, antipathiques, anorexiques, dangereux et reproduisent s’ils ne sont pas pris en charge à temps. Nous nous devons de faire en sorte que la société de demain soit composée d’adultes qui ont eu une enfance protégée. Nous ne pouvons pas nous permettre de sacrifier l’enfance parce que c’est moche de parler de tout ça. Nous sommes tenus de parler, nous sommes tenus de faire passer le message. » Emma Moulin

  • @Anne-Laure Buffet

    BIBLIOGRAPHIE
    Filmographie :
    Festen, de Thomas Vinterberg, 1998
    Les chatouilles, de Andréa Bescond et Eric Metayer, 2018

    Essais :
    Les prisons familiales – Anne-Laure Buffet, Eyrolles 2019
    Les mères qui blessent – Anne-Laure Buffet, Eyrolles 2018
    Confusion de langue entre les adultes et l’enfant – Sandor Ferenczi, Petite
    bibliothèque Payot
    Incestes – Puf
    Enfants violés et violentés, le scandale ignoré – Gérard Lopez, Dunod
    Les abus sexuels – Pr Florence Thibaut, Odile Jacob
    Le livre noir des violences sexuelles – Dr Muriel Salmona, Dunod
    Jouer au papa et à l’amant, de l’amour des petites filles – Nancy Huston, Ramsay

    Autobiographies :
    La fabrique des pervers, Sophie Chauveau, Gallimard 2016
    La familia grande – Camille Kouchner, Le Seuil
    Le petit vélo blanc – Cécile B., Calmann-Lévy
    Renaître de ses hontes – Laurence Noëlle, Le Passeur
    Ne le dis pas à maman, suivi de Ils ont laissé papa revenir – Toni Maguire, Le livre de Poche
    La porte du fond, Christiane Rochefort, Grasset 1988

Les caractéristiques du manipulateur décryptées

En 1997, Isabelle Nazare Aga établit une liste de 30 caractéristiques permettant de repérer un manipulateur, homme, ou femme.
Cette liste a permis à bon ombre de personnes de comprendre une situation personnelle, d’essayer d’y faire face, de se déculpabiliser.
Depuis, 20 ans ont passé. Ces caractéristiques sont toujours aussi valables. Mais aujourd’hui, elles sont utilisées, disséminées un peu partout sur Internet, sans prise de recul, sans analyse. A la moindre friction dans un couple, ou dans n’importe quel type de relation, il est devenu courant d’y recourir, ou de proposer de les lire, afin de se demander si – oui ou non – nous avons affaire à un manipulateur. Ce qui entraîne des excès, des abus d’interprétation. Ce qui nuit à l’approche objective du travail d’Isabelle Nazare Aga, à la prise de distance qu’elle propose. Au-delà de cette liste, il faudrait une question, à laquelle seul le lecteur peut répondre : Suis-je en danger ?
Et pour aller plus loin : Suis-je une victime ? Mon comportement est-il celui d’une victime de manipulateur ?

Afin de mieux comprendre ces 30 caractéristiques, et les conséquences de chaque caractéristique sur les victimes, je vous en propose un petit décryptage.

Et avant tout, une mise en garde : Chacun peut, exceptionnellement, se comporter ainsi. C’est la répétition – la presque quotidienneté – qui fait de tel ou tel comportement un comportement manipulateur. C’est également le refus d’admettre l’existence de ces comportements qui les rend manipulateurs. Une personnalité bienveillante acceptera d’entendre qu’elle a mal agi, ou admettra qu’elle avait un objectif précis à un moment précis, mais que le comportement auquel il est fait référence ne fait pas partie de ses valeurs et de ses principes.

Enfin, on dit « le manipulateur », ce qui ne veut pas dire qu’il est forcément un homme. Le manipulateur est un homme, une femme, un individu dénué de toute reconnaissance de l’autre et ne servant qu’une seule personne : lui-même.

1 Il culpabilise les autres au nom du lien familial, de l’amitié, de l’amour, de la conscience professionnelle.

Il culpabilise, oui. Mais les mots utilisés ne sont pas forcément entendus comme culpabilisants. Les injonctions peuvent être dissimulées sous de faux compliments. Ex : « Tu es tellement jolie, tu mérites bien mieux et notre famille aussi qu’untel ou untel… »

Conséquence : la victime place ces notions avant tout, cherchant à ne les trahir en rien, et jamais. Elle s’observe, s’analyse et se critique en permanence, se sentant tenue par un devoir de loyauté considérable et devant être sans faille. Le moindre mot, le moindre geste qui n’irait pas dans le sens d’une de ces notions seraient alors vécus comme une trahison. Et la culpabilité ressentie serait d’autant plus forte.

2 Il reporte sa responsabilité sur les autres, ou se démet des siennes.

Il le fait en ayant toujours une bonne raison, un bon argument, qu’il semble impossible de contredire. Et ce bon argument, cette bonne raison vont, de plus, prendre appui sur une réalité objective non réfutable.

Ex : « Je t’ai laissé régler les questions concernant les enfants, puisque tu as fait le choix de ne pas travailler pour t’en occuper. Je pensais, en toute sincérité et en toute confiance, que si tu avais un souci tu m’en parlerais. Je n’y suis pour rien si tu préfères te taire. »

Conséquence : la victime va constamment chercher à savoir si elle fait bien, si elle pense bien, si elle comprend bien, si elle agit bien. Elle se croit tenue de « gérer » le quotidien, de régler toutes les difficultés. Elle est obligée, c’est-à-dire dans l’obligation de faire et de comprendre, sans jamais se tromper, sans aucun manquement possible. Son mode de pensée peut être résumer ainsi : « Si il m’a été confié telle mission, telle responsabilité, c’est que j’en ai la capacité ? Si je n’y arrive pas, c’est que je ne suis pas à la hauteur ou que j’ai fait croire quelque chose de faux. Je suis donc menteur, vantard, et incapable. C’est ma faute »

3 Il ne communique pas clairement ses demandes, ses besoins, ses sentiments et opinions.

Il ne le fait pas, car il n’en a pas, si ce n’est de surpasser tout et tous, et de détruire ce qui pourrait lui faire de l’ombre. Cependant il sait que cette absence est a-normale. Aussi, il invite, imite, et laisse son interlocuteur dans l’embarras et le flou.

Ex : « J’aimerai beaucoup partir enfin en vacances ». Oui, mais où ? Quand ? Comment ? Avec qui ? A l’interlocuteur de deviner et d’anticiper. Et s’il ne le fait pas, le couperet va tomber… car, par amour ou amitié pour le manipulateur, il devrait savoir, sans qu’il soit besoin de lui dire.

A noter, le « enfin », qui est prononcé sur un ton de reproche, comme si l’interlocuteur – la victime – empêchait les vacances ou ne savait pas s’en charger.

Conséquence : la victime va constamment se demander ce qui pourrait satisfaire le manipulateur. Elle ne va avoir de cesse de proposer, d’organiser, de prévoir, y consacrant un temps infini, concentrant ses pensées uniquement sur ce qu’elle imagine faire plaisir au manipulateur. Bien sûr, elle ne peut y arriver, le manipulateur prenant un malin plaisir à changer de goût, d’avis, d’opinion, pour ne jamais être contenté. Pour ne jamais avoir à dire merci. Pour conserver le contrôle de la pensée de sa victime. Pour l’empêcher de penser à quoi que ce soit ou qui que ce soit d’autre.

4 Il répond très souvent de façon floue.

La clarté et l’évidence sont dangereuses pour le manipulateur car non négociables. Un « oui » ou un « non » fermes ne laisse aucune porte de sortie, aucune liberté de manœuvre au manipulateur. Aussi, il va répondre par des formules à la fois alambiquées et mystérieuses, laissant planer l’incertitude.

Ex : « Je verrai plus tard » (mais le « plus tard » est indéfini), « Pourquoi me poser cette question, tu connais la réponse » (et l’interlocuteur se voit contraint de se taire, fouillant chaque centimètre de son cerveau en espérant trouver cette réponse qui est censée s’y trouver – et ne la trouvant pas, se sent de plus en plus bête)

Conséquence : la victime attend. C’est d’ailleurs part commune chez les victimes : elles attendent. Elles attendent un geste, un mot, un compliment, une critique, un encouragement. Elles attendent et finissent par ne plus rien faire, ne sachant que faire. Et lorsqu’à force d’attendre, elles ne font vraiment plus rien, se sentant inutiles, sans envie et sans projet, elles se le font reprocher, de plus en plus vertement.

5 Il change ses opinions, ses comportements, ses sentiments selon les personnes ou les situations.

Non seulement il est caméléon, et s’adapte en fonction du profit à tirer de son ou ses interlocuteurs, mais n’ayant aucun sentiment, il va servir à celui ou celle qui l’écoute ce qu’il devine être le plus profitable, à l’instant. Ainsi, dans la même journée, il sera athée puis pratiquant, plutôt de gauche, ou plutôt de droite, plutôt réservé ou plutôt prolixe. Et jamais il ne posera de manière tranchée une opinion, ce qui lui permet ces volte-faces constants, qu’il ne remet pas en cause, mais dont il se sert pour expliquer à sa victime qu’elle « ne comprend rien et n’a le sens ni de la mesure, ni de la nuance. »

Conséquence : la victime ne sait plus quoi penser. Elle ne sait plus si elle a vraiment entendue, vraiment compris, et mieux encore, si elle sait aimer vraiment celui sur lequel elle semble se tromper, encore, puisqu’elle n’a pas compris, pas saisi ses vrais sentiments.

6 Il invoque des raisons logiques pour déguiser ses demandes.

Comme il est gentil, le manipulateur, à ne vouloir n’y s’imposer, ni obliger, ni gêner son interlocuteur ! C’est souvent ainsi qu’il explique pourquoi il ne demande pas clairement ce qu’il souhaite ou désire. Mieux encore, il ira jusqu’à dire qu’il laisse ainsi son libre-arbitre, sa faculté de penser à son interlocuteur. Certes. A condition de penser comme lui, de vouloir comme lui, de faire comme lui.

Le terme « demande » devrait d’ailleurs être remplacé ici par « ordre ». Car une demande qui n’est pas assouvie ne devrait pas entraîner de conflit. Un ordre non respecté crée une tension. Ce que le manipulateur appelle demande n’est rien de moins qu’une injonction – et c’est ainsi que les victimes l’entendent, mais déguisée par des formules de politesse, par de l’obséquiosité, par de la flatterie, qui endorment la vigilance et la capacité de refus des victimes.

Conséquence : la victime se remet en cause. Il lui est laissé le choix de décider ; si elle se trompe, c’est qu’elle ne sait pas faire, n’est pas à la hauteur, n’a pas de goût, pas d’idée, pas d’imagination.

7 Il fait croire aux autres qu’ils doivent être parfaits, qu’ils ne doivent jamais changer d’avis, qu’ils doivent tout savoir et répondre immédiatement aux demandes et questions.

Et pour mieux le laisser croire, il va d’abord séduire et flatter. Puis, lentement, remettre en cause. Enfin, il critiquera, reprochera, et détruira.

Conséquence : la victime devient ultra perfectionniste sans savoir définir ce qu’est la perfection. Elle va s’épuiser, aller au bout de ses forces physiques et intellectuelles, se critiquer avant même d’avoir entrepris la moindre action, déjà convaincue de ne pas pouvoir y arriver, et mieux encore de ne pas pouvoir satisfaire les attentes, et enfin de décevoir celui qui lui fait tellement confiance…

8 Il met en doute les qualités, la compétence, la personnalité des autres : il critique sans en avoir l’air, dévalorise et juge.

Ainsi, il tient à l’écart, sème le doute, se met en valeur et en avant, et isole la victime. Le manipulateur n’admet que la lumière, la puissance et la gloire. Tout ce qui peut être un obstacle ou un frein doit être éliminé.

Ex : « Ce dossier est pas mal. Mais le travail n’a pas été confié à la bonne personne. C’est dommage, une fois de plus elle ne se montre pas à la hauteur, alors qu’elle pouvait saisir sa chance. »

Conséquence : la victime se met à juger sans s’en rendre compte ses proches, ses collègues de travail. Pour justifier les propos du manipulateur et ne pas le critiquer ou s’opposer à ce qui est dit, elle va se taire, couper court à la communication avec ses proches, s’en éloigner, ou chercher en eux la moindre faille qui conforte ce qui lui est dit par le manipulateur.

9 Il fait faire ses messages par autrui.

Incapable de dire clairement les choses, il se sert de la technique dangereuse du téléphone arabe. Les messages sont forcément tronqués, déformés, et il a ensuite tout loisir pour dire que tel message ne vient pas de lui, que tel autre n’est pas vrai, que tel autre encore est une interprétation, pas la réalité.

Conséquence : la victime ne sait plus distinguer le vrai du faux. Elle ne sait plus si ce qui lui est dit par un tiers est exact. Elle doute de ce qu’elle entend, de ce qu’elle comprend, et même du tiers.

10 Il sème la zizanie et crée la suspicion, divise pour mieux régner.

Si la situation est classique, malheureusement, en entreprise, elle est encore plus classique dans des familles ou l’un des parents – parfois les deux – manipule. Pour mieux contrôler la fratrie, et parfois l’autre parent, le parent manipulateur va glisser des petites phrases, des petites remarques, de façon anodine, mais qui s’infiltrent comme du poison dans l’esprit de ceux qui les entendent. Ainsi, la rivalité entre sœurs, le rejet d’un parent par ses enfants, la cruauté d’un enfant envers les autres… prennent leur source dans ce venin, qui fait naître suspicion, doute, jalousie, tristesse, rancœur…

Conséquence : même si la victime peut trouver que ces remarques sont anodines, ou exagérées, elle aura à force de les entendre – car la répétition œuvre dans le sens du manipulateur – une méfiance, une défiance vis-à-vis des autres. Elle va se tenir à distance, se taire et s’éloigner, ou faire le jeu du manipulateur en cherchant à se défendre ou se protéger.

11 Il sait se placer en victime pour qu’on le plaigne.

D’ailleurs rien n’est jamais de sa faute. Il aurait tellement aimé que les choses se passent autrement. Et il est tellement malheureux… En public, il est capable de pousser à bout – à mots couverts – sa victime, pour la mettre en colère, pour l’obliger à se montrer sur la défensive, à donner une fausse image d’elle-même.

Il va user de tous les moyens possibles, jusqu’aux procédures, se glissant dans la peau d’un saint de vitrail blessé et malheureux.

Conséquence : la victime doit se justifier en permanence. Aux yeux des tiers, elle est responsable ou coupable, et se sent comme telle. Elle est dénigrée, ou croit l’être. Et à trop se justifier, elle en perd toute crédibilité. Elle-même finit par ne plus se croire. Elle-même finit par penser qu’elle est coupable.

12 Il ignore les demandes même s’il dit s’en occuper.

Tout autant, il promet énormément mais ne fait jamais rien. C’est une fabrique de belles paroles sans jamais qu’elles soient suivies d’effet.

Conséquence : non seulement la victime doit faire ce que le manipulateur avait promis, mais elle ne se sent ni écoutée ni vue. Elle se sent perdre en intérêt, se convainc de ne pas en avoir, ou de ne pas savoir dire ou faire. Elle se sent inutile, vide. Transparente.

13 Il utilise les principes moraux des autres pour assouvir ses besoins.

Et ce pour une raison bien simple : lui-même n’en a pas. Ni principe, ni valeur, ni sens du bien et du mal. Ou plus exactement, il connaît le sens du bien et du mal à la condition que ce soit son bien, son mal. Le reste ne le concerne en rien, et ne le touche pas. En revanche, il sait d’instinct que la morale permet d’organiser une relation, un système. Il observe et s’en sert pour les appliquer aux autres.

En résumé, le manipulateur est l’incarnation du « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».

Conséquence : la victime est soumise à des sermons et des rappels à l’ordre perpétuels. Elle vit aux côtés d’un censeur, d’un inquisiteur, qui, tel un Torquemada de salon, va chercher à la corriger, ou la punir en permanence.

14 Il menace de façon déguisée, ou pratique un chantage ouvert.

Ainsi, il instaure une ambiance de peur, de stress, permanents. Ce qui lui permet d’installer et de développer son contrôle sur sa victime. Il met en dépendance, de manière malsaine, et oblige à la soumission, par crainte de représailles verbales, ou physiques.

Ex : « Il vaudrait mieux que tu comprennes ce que je te demande sans que j’ai besoin de le répéter », ou encore : « Si tu ne suis pas mes conseils, ce sera la preuve que tu n’en n’as rien à faire de moi… »

Conséquence : la victime s’interdit de réfléchir. Elle est conditionnée à obéir. Au premier chantage, elle n’en tient pas compte. Le manipulateur va lui faire payer, car c’est pour lui une rébellion. Au deuxième chantage, présenté insidieusement, elle se pliera. Au troisième, elle perd déjà en personnalité.

15 Il change carrément de sujet au cours d’une conversation.

Toujours dans la nécessité d’entretenir le doute et le flou, ou encore pour ignorer sa victime, le manipulateur coupera court à une conversation entamée, s’imposant dans la discussion, et obligeant à parler d’autre chose.

Conséquence : la victime se sent là encore invisible, sans intérêt. Elle pense n’avoir aucune idée, aucune intelligence. Elle perd l’habitude de parler pour ne pas être à nouveau interrompue – elle entend alors qu’elle n’a jamais rien à dire, qu’elle est stupide. Elle perd en capacité et envie de s’exprimer, en privé, et en public. Elle devient mutique.

16 Il évite ou s’échappe de l’entretien, de la réunion.

S’il le fait par lâcheté, ce ne sera jamais présenté ainsi. Il fera croire à un rendez-vous plus important – ce qui dénigre l’intérêt du rendez-vous qu’il manque, à une urgence dont il ne peut parler, ajoutant du secret à son absence, à un souci personnel (santé, famille…) obligeant les autres à le plaindre.

Ainsi, il échappe à la confrontation, au risque de mis en échec ou d’être critiqué, à l’opposition. Si son discours tient face à un interlocuteur, il est en danger face au groupe, car dans le groupe il peut toujours se trouver une personne qui ne le croira pas et pourra le déstabiliser.

Conséquence : la victime « reste sur sa faim », doit se soumettre à des horaires et un changement perpétuel d’organisation et d’emploi du temps. Elle a de la compassion, elle surinvestit ce qu’elle doit réaliser, au risque de s’épuiser, pour soulager celui qui semble soudain en difficulté.

17 Il mise sur l’ignorance des autres et fait croire en sa supériorité.

Son discours transformera ignorance en incompétence. Il ne proposera jamais un enseignement sain, permettant à sa victime d’apprendre et de fait de développer ses propres compétences, il va la rabaisser, l’obligeant à se mésestimer. Il utilisera un discours compliqué, des phrases vides de sens mais complexes, faisant penser à ses interlocuteurs qu’ils ne comprennent rien. Excellent orateur, le manipulateur « s’écoute parler », et ne supporte aucune interruption.

Ex : « Je pensais que tu connaissais le sujet, il est tout à fait simple à comprendre, et nous aurions pu échanger toi et moi sur certains points. Il est bien dommage de ne pas pouvoir le faire mais je suis certain(e) qu’avec un peu de travail, tu seras bientôt à la hauteur pour pouvoir en discuter. »

Conséquence : la victime est peu à peu convaincue de ne rien savoir, et que cette absence de connaissance est de sa faute, tant il semble évident de savoir. Si dans un premier temps elle essaie d’apprendre, de s’informer, ce ne sera jamais assez, et elle se décourage au point de ne plus chercher à apprendre. Elle taira également ses connaissances, n’en sera plus sûre, et finira à nouveau par penser qu’elle est stupide.

18 Il ment.

Le mensonge n’est pas permanent mais régulier. Les vérités sont déformées, exagérées, enjolivées en fonction de ses besoins. Il invente des histoires, en les sachant fausses, par seul intérêt. Il sait qu’il ment.

Conséquence : la victime ne peut plus distinguer le vrai du faux. Elle passe des heures à analyser pour se rapprocher de la vérité. Mais quelle vérité ? puisqu’aucune ne semble vraiment vraie.

19 Il prêche le faux pour savoir le vrai.

Tout comme il divise pour mieux régner, le manipulateur est un parfait avocat du diable. Il sera alors tout sourire, tout sucre et tout miel, et la victime va se laisser berner et séduire.

Conséquence : la victime va lui livrer les informations recherchées sur un plateau et sans méfiance. Et avec ce qu’elle a fourni comme information, elle se fera écraser peu de temps après.

20 Il est égocentrique.

Le manipulateur sait parfaitement où se situe son nombril et l’entretien avec passion. Rien d’autre ne l’intéresse. Il est centré uniquement sur lui, sa réflexion, ses gestes, ses actes ont pour seul intérêt de nourrir ce « nombril ». Il est le nombril du monde, et tout doit tourner autour de lui et être fait dans son unique intérêt.

Conséquence : la victime doit se dévouer entièrement et exclusivement à cet être supérieur. Elle n’a pas le choix. Ce qui n’est pas fait pour lui sera jugé comme étant contre lui, et de ce fait rejeté, ignoré ou méprisé.

21 Il peut être jaloux.

Plus exactement, il peut se montrer jaloux. Car jaloux, il l’est intrinsèquement. Des autres, de ce qu’ils ont, de ce qu’ils sont, de ce qu’ils font. Il ne l’exprimera que s’il a un intérêt immédiat à le faire. Il sera alors dans la possession, et la destruction, par la parole, ou par le geste. Ce qui ne le sert pas ne doit pas exister et doit immédiatement être détruit.

Conséquence : la victime va couper les ponts avec ce qui était son passé. Sa famille, ses amis, ses études, son métier, ses goûts sont laissés de côté, abandonnés, pour ne pas permettre au manipulateur de soupçonner la moindre trahison, le moindre secret ; pour ne jamais être « pris en faute » ou à défaut.

22 Il ne supporte pas la critique et nie les évidences.

La remise en cause est impossible. C’est un crime de lèse-majesté qui doit immédiatement être puni. Le manipulateur n’admet pas la moindre opposition car il sait. Son pouvoir serait moindre s’il n’était pas omnipotent et omniscient. Aussi s’opposer à lui revient à se mettre en danger à l’instant même.

Conséquence : la victime accepte tout. Elle ne critique rien, ne juge rien, n’émet aucune idée contraire, approuve même ce qu’elle sait être faux, immoral, inutile.

Elle perd l’usage du « non », du refus, et développe une peur du conflit qui la maintient dans le silence et l’acceptation.

23 Il ne tient pas compte des droits, des besoins et des désirs des autres.

Tout simplement parce que l’autre n’existe pas ou uniquement pour le servir. L’altérité est une notion parfaitement opposée au fonctionnement manipulateur. L’autre est un objet, qui sera jeté ou détruit quand il ne sera plus utile. L’autre ne peut pas avoir d’idée, de sentiment, d’envie, de projet.

Conséquence : la victime va chercher à dire ce dont elle a besoin, ce qu’elle aime, ce qui lui plaît. Ses demandes et ses envies ne seront jamais écoutées et encore moins satisfaites. Là encore, elle va peu à peu perdre en personnalité. Elle va ignorer ses propres envies, et ses propres besoins, les croyant sans valeur et sans intérêt. Elle ne va plus s’écouter. Elle va s’oublier, totalement, au seul profit du manipulateur.

24 Il utilise souvent le dernier moment pour ordonner ou faire agir autrui.

Le manipulateur fonctionne et fait fonctionner dans l’urgence. Il déguisera ses demandes sous de faux compliments, ou au contraire en commençant par dénigrer et reprocher : « Vous auriez pu y penser avant ! Il faut toujours que je fasse tout tout seul… »

Conséquence : précipitation, stress, erreurs, conviction d’avoir tort… la victime pense qu’il lui appartient de répondre, tout de suite, parfaitement, et qu’elle est coupable de ne pas avoir anticipé une demande … qu’elle ne pouvait imaginer. La victime est privée de toute capacité de recul et de jugement. Elle vit dans l’instant présent, finit par tout accepter, est téléguidée, comme un automate. Elle possède une fonction marche – arrêt, et celui qui appuie sur le bouton, c’est le manipulateur.

25 Son discours paraît logique ou cohérent alors que ses attitudes répondent au schéma opposé.

Le manipulateur sait parler. Il est éloquent et convaincant. Il a toujours les bons arguments. Il semble même rassurant, et sécurisant… « on » lui fait confiance. Dans la pratique, il est désordonné, confus, désorganisé, imprécis, instable ; Mais le discours bien servi dupe ceux qui l’entendent. Ils s’y réfèrent et n’ont plus l’analyse nécessaire pour juger les actes. Ils s’en tiennent aux paroles, hypnotisés.

Conséquence : la victime tente de rapprocher les paroles des faits. Les paroles ayant une logique, elle va se reprocher de trouver un manque de logique aux faits, ou encore va se dire que l’action n’est pas terminée, que quelque chose d’autre va être mis en place. Elle est placée en situation d’attente, d’immobilisme. Ce que le manipulateur ne tardera pas à lui reprocher, comme il va lui reprocher son manque d’initiative, son incapacité à prendre des décisions, à mettre en place une action. L’accumulation des reproches pèse sur la victime comme des enclumes, et elle s’enfonce de plus en plus dans cet immobilisme mortifère.

26 Il flatte pour vous plaire, fait des cadeaux, se met soudain aux petits soins pour vous.

Séducteur un jour, séducteur toujours…Aucune manipulation ne fonctionne sans séduction. Elle en est l’origine et le fondement, et revient sans prévenir, souvent aux moments les plus critiques, pour rassurer, apaiser, et tromper un peu plus.

Conséquence : la victime croit en ce qu’il est commun d’appeler « la lune de miel ». Epuisée par les reproches, les critiques, le chantage, l’ignorance, elle se sent re-vivre. Elle s’imagine à nouveau vue, reconnue, aimée. Elle se rassure en se disant qu’elle s’est trompée. Qu’elle a sans doute mal analysé une situation. Qu’elle a sa part de responsabilité. Que chacun, pendant une période, peut être tendu, difficile, désagréable. Elle finit par penser que c’est de sa faute, qu’elle est trop exigeante, trop incohérente, trop « méchante ». Elle cède à la séduction. Elle se fait enfermer dans un schéma de violence psychologique, espérant ces lunes de miel, de plus en plus rares et brèves.

27 Il produit un sentiment de malaise ou de non-liberté.

Le manipulateur sème le doute, le flou, la confusion. Il oblige au contrôle, à l’hyper vigilance, à l’anticipation. Rien n’est naturel. Il absorbe l’oxygène, rend l’atmosphère pesante, oblige à raconter ses faits et gestes et jusqu’à dévoiler son jardin secret, de peur de se faire dire qu’il y a mensonge et dissimulation.

Conséquence : la victime n’est pas « à l’aise ». Elle vérifie chacune de ses paroles, chacun de ses actes, pour ne pas contrarier. Elle s’excuse, en permanence, de peur de déranger. Elle s’exprime de manière mesurée, redoutant d’être considérée comme agressive ou idiote. Elle respire moins bien. Son corps devient douloureux à force de se contracter ; La souffrance devient physique.

28 Il est parfaitement efficace pour atteindre ses propres buts mais aux dépens d’autrui.

Le manipulateur n’accepte que la gloire, la puissance et les sommets. Son objectif est de dominer, d’être puissant, seule valeur qu’il reconnaisse. L’autre n’existant pas ou uniquement à son profit, il sait s’en servir, comme d’un barreau d’échelle ou d’une marche d’escalier, pour continuer d’avancer et de grimper, sans se soucier des conséquences pour celui qu’il écrase.

Conséquence : la victime est petit à petit dépossédée de ce qu’elle est, de ses talents, de ses compétences. Utilisées uniquement afin de servir le manipulateur, elles s’amenuisent et la victime n’est plus à même de les considérer objectivement, puisque, aussitôt utilisées, aussitôt critiquées. En effet, si la victime savait se les attribuer réellement, elle pourrait en faire usage pour elle-même et de ce fait mettre en danger les rêves de grandeur du manipulateur. La victime est exploitée, et lorsque cette exploitation n’a plus de raison d’être, rejetée.

29 Il nous fait faire des choses que nous n’aurions probablement pas fait de notre propre gré.

Séducteur, convaincant, ou menaçant, il empêche la victime d’avoir le moindre libre arbitre. N’ayant ni valeur ni morale, il cherche son propre plaisir ou sa seule réussite, sans prendre en compte ce que d’autres vont transgresser pour lui. Il ne voit que le résultat, le moyen ne compte pas.

Conséquence : humiliations, compromissions, soumission, acceptation des abus… la victime est là aussi comme « télécommandée » et accepte, ou croit accepter, ce qui est contraire à ses valeurs. Que ce soit d’ordre matériel, financier, spirituel, physique, sexuel, la victime ne dit jamais non. Et comme elle ne dit jamais non, il est encore plus simple pour le manipulateur de lui faire penser et croire qu’au fond d’elle, elle était d’accord, elle avait dit oui.

30 Il fait constamment l’objet des conversations, même quand il n’est pas là.

Le manipulateur devient indispensable. Tout tourne autour de lui – c’est le but recherché – et consacrer du temps à autrui ou autre chose est interdit. Lorsque l’entourage sent ou comprend la dangerosité du comportement, il continue d’en parler, cherchant à comprendre un peu plus, à se justifier, à excuser ou à critiquer. Et tout ce temps, qu’il soit présent ou non, est autant de cadeaux qui lui sont faits, puisqu’il interdit que quoi que ce soit existe sans lui.

Conséquence : la victime croit trahir en ne pensant pas au manipulateur, en n’agissant pas pour lui, en ne parlant pas de lui. Elle est obsédée, se sent obligée d’en parler constamment, en vient à lasser les autres, et les trouve irrespectueux ou méchants de ne pas avoir la même dévotion. Quand elle prend conscience, elle n’a de cesse de se justifier, ou d’en parler pour être rassurée et confortée, pour ne pas se sentir injuste, cruelle ou ingrate.

La victime n’existe plus qu’au travers du manipulateur.

Anne-Laure Buffet, Les prisons familiales, Eyrolles 2019

Isabelle Nazare-Aga : Les manipulateurs sont parmi nous, éditions de l’Homme

©Anne-Laure Buffet
annelaurebuffet@gmail.com

LE SILENCE DES VICTIMES



RA : Croyez-vous au pervers narcissique ? 
ALB : Vous me demandez si j’y crois, comme on demande si l’on croit aux esprits, ou aux fantômes. Je ne crois pas au « pervers narcissique ». Il ne s’agit pas d’y croire. Il s’agit d’affirmer qu’il existe une part de la population, que l’on appelle « pervers.e narcissique » depuis que Racamier l’a dénommée ainsi, qui se trouve dysfonctionnelle, destructrice, maltraitante, malveillante. Cette « catégorie » de personnes représenterait 2% de la population. Je ne sais pas comment les statistiques sont faites, et je vois mal des enquêtes et sondages possibles : un ou une pervers narcissique ne se reconnaîtra jamais comme tel.le ; quant aux victimes, elles utilisent aujourd’hui volontiers ce terme, alors que l’on peut être victime de nombreuses personnalités toxiques, aux comportements différents, et qui ne sont pas pour autant des « PN ». Mais l’utilisation médiatique est si forte qu’il est presque impossible de trouver un autre qualificatif. Aussi, « pervers narcissique » rentre dans le langage usuel. J’y reconnais un avantage, c’est d’être moins vulgaire que de traiter qui que ce soit de « salaud ». Mais c’est fausser très souvent une réalité.
En réalité, je crois bien plus aux violences psychologiques, aux victimes de celles-ci, à l’invisibilité des ces violences tout autant qu’à leur terribles conséquences, qu’à la nécessité de se battre pour savoir si le « PN » existe, et si tel individu est PN, ou jaloux, cruel, sociopathe…

RA : Le pervers narcissique serait donc particulier, à distinguer d’autres personnes maltraitantes. 
ALB : Oui. Tout comme un paranoïaque, un jaloux pathologique, un psycho-rigide… Ce sont des personnalités, des syndromes, des névroses ou des psychoses, des comportements différents. Le pervers narcissique « répond » à certains critères. Il met sa victime, quel que soit le contexte, sous emprise, en la dépersonnalisant, en la dénigrant, en la disqualifiant. Il est exempt de tout sentiment, mais il fonctionne sous l’impulsion de la colère et de l’envie. Il est extrêmement patient. Il faut souvent des années pour que la victime comprenne à qui elle a affaire. Il procède par répétition, récurrence, sans pour autant faire preuve de violence verbale ou physique tangible : il est sournois, perfide, insidieux, séducteur, affable, mielleux ; il arrive en « sauveur » dans la vie de sa proie, il se l’accapare, il la grignote lentement, et la laisse à terre, sans qu’elle ne puisse se rendre compte de ce qu’il se passe. Il envie le pouvoir, la puissance. Il agit toujours dans un huis-clos qui isole sa victime et l’empêche à la fois de réaliser, et de communiquer.

RA : Aujourd’hui beaucoup de victimes se disent victimes de PN. Qu’en pensez-vous ? 
ALB : Comme je vous l’ai dit, c’est un terme devenu commun. Ne sachant comment qualifier celui ou celle qui fait preuve de violence psychologique, les victimes parlent de PN. Certaines sont bien victimes de pervers narcissiques, d’autres luttent contre une autre forme de personnalité maltraitante. Ce qui compte pour moi n’est pas tant de qualifier l’agresseur de pervers narcissique, ou d’autre chose. Ce qui compte c’est comment, et jusqu’à quel point, il a été toxique pour sa victime ; et c’est d’accompagner cette victime lorsqu’elle cherche à s’en sortir et se reconstruire. Je ne combats pas bille en tête contre les pervers narcissiques et uniquement eux. Je suis du côté des victimes. Je suis là pour les entendre, les comprendre, les aider à reformuler, à analyser, à se distancier et se détacher de la violence vécue. Je suis là non pour catégoriser qui que ce soit, mais pour permettre à une personne en souffrance de sortir de cette souffrance et reconstruire son identité et sa personnalité.

RA : Si vous deviez remplacer pervers narcissique par un autre terme, que diriez-vous ? 
Le monstre. À l’apparence humaine, sans aucune humanité. Le vampire, qui ne supporte ni les miroirs ni la lumière, qui se nourrit en vidant sa victime de ce qui lui est essentiel. Le tyran mégalomane, sans morale, sans valeur, sans respect si ce n’est pour le pouvoir et la domination.
Mais aussi, le pas-grand-chose. Sans proie, sans victime, sans public, cet individu n’est rien qu’un pantin désarticulé et ridicule, grotesque.
Si nous avons tous besoin de rapports humains pour vivre, nous n’aspirons pas à détruire nos interlocuteurs, nos proches, notre entourage pour être. Le pervers narcissique n’aspire qu’à cela, la puissance et la destruction.

Ouvrons la fenêtre – Podcast

https://lnns.co/9aiZtN7FUgM

Au micro de Sophie Nouaille, pour parler emprise, violence, thérapie, pervers narcissique, émotions vie quotidienne et crise sanitaire.