PARENTS TOXIQUES

Interview de Anne-Laure Buffet sur les Parents toxiques et les conséquences sur les enfants.

LES MOTS DE L’EMPRISE – VIDEO

Les mots répétés, utilisés pour posséder puis détruire, les mots qui soumettent, les mots qui perdent leurs sens… et les répercussions sur leurs victimes.

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LA RAGE NARCISSIQUE

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Mise en garde : cet article ne se veut pas scientifique mais informatif. Il est destiné à vulgariser une notion afin de permettre au(x) lecteur(s) d’en prendre connaissance et conscience. S’il exprime un schéma de pensées et de comportements, et met en lumière un acte dangereux et criminel, il est surtout fondé sur l’écoute, l’observation en consultation et/ou en groupe et les témoignages reçus.

– Pourquoi tu ne dis rien ? Quand il te pousse à bout, quand il ment, pourquoi tu te tais ?
– Parce que j’ai peur de ce qu’il pourrait faire…

Une personne victime de violences psychologiques vit dans la peur. La peur de son quotidien, la peur de ce qu’elle connait ; mais aussi la peur de ce qu’elle imagine, anticipe, prévoit. Et ce qu’elle imagine, anticipe, est toujours le pire. Aussi, elle se tait. Elle se contraint au silence pour éviter de se mettre en danger, psychologiquement et physiquement.
Ce que la victime ne peut décrire précisément, mais ce qu’elle pressent, c’est la possibilité d’un passage à l’acte. La possibilité que la situation qu’elle croit pour le moment encore maîtriser, même dans la souffrance, ne se transforme, et ne se transforme à son complet désavantage.
Ce qu’elle pressent, c’est que son agresseur, qui, à l’instant, exerce essentiellement de la violence psychologique, ne supporte pas d’être démasqué, critiqué ou rejeté ; et dans ce cas, qu’il s’en prenne à elle jusqu’à la tuer.

Et la victime a raison.

Une personne qui fait acte de violence psychologique afin de nourrir uniquement son ego, son narcissisme déconstruit souvent depuis l’enfance, une telle personne qui a avancé dans la vie en se sublimant au travers de celles et ceux qu’elle a réussi à duper et manipuler à son seul profit, sans tenir un instant compte des potentielles conséquences sur les autres, une personne, donc, qui n’a aucune compréhension réelle de l’altérité dans la relation, si ce n’est pour mettre l’autre en situation d’objet et s’en servir pour assouvir ses uniques ambitions, ne peut supporter de perdre ce qui lui permet d’exister.

Car sans l’autre, il n’st plus rien. Sans l’autre, l’image construite afin de justifier de sa toute-puissance, de son existence même, s’effondre. Et n’ayant rien d’autre pour exister, il disparaît avec . Ce qu’il ne put supporter.

Le pervers narcissique vit en étant toujours « sur le fil du rasoir ». Il est constamment mis en danger, par lui-même, car il peut à tout instant être découvert. C’est pour cela qu’il isole la victime, construisant un mur réel ou virtuel afin d’éviter les regards extérieurs, et les influences qui lui feraient perdre son emprise.
À la question de la conscience qu’aurait un pervers narcissique de ses actes, il est difficile de répondre, car il faudrait pour cela qu’il ait avant tout conscience des notions de bien et de mal.
En revanche, il est certain que le PN a conscience de l’absolue nécessité qu’il a de l’autre pour pouvoir être lui-même.
S’il l’autre n’est plus, il n’est plus.
Mais ne pouvant s’imputer la responsabilité du départ de l’autre (départ qui est le plus souvent une fuite pour survivre), il va le vivre comme le plus terrible des abandons. Et ne pouvant se reprocher de ne pas savoir vivre sans l’autre, et sans glorifier son self sublime si mal nourri, il va projeter sur l’autre, sur la victime, sa colère. Sa rage.

« Il est maintenant évident que la rage narcissique survient quand le soi ou l’objet déçoivent les aspirations absolues qui font appel à leur fonction – que ce soit pour l’enfant, qui, plus ou moins conformément au stade approprié, reste attaché à la mégalomanie et à l’omnipotence du soi et du soi-objet, ou pour l’adulte, narcissiquement fixé, dont les structures archaïques narcissiques sont restées inchangées, séparées du reste du psychisme en cours de croissance, après que les demandes narcissiques infantiles appropriées au stade ont été traumatiquement frustrées. » Heinz Kohut

C’est ce que devine la victime. Et c’est ce pressentiment qui ne fait que renforcer le sentiment d’être attaché à son bourreau par une chaîne invisible mais terriblement solide et serrée, une chaîne avec un collier étrangleur qui maintient en place, empêche de parler, et empêche même de respirer.

Les victimes qui ont pris la parole face au bourreau, qui ont exprimé leur volonté de partir, de le quitter, de ne plus être dépendante, ont vécu ce raptus(1). face à elle, le bourreau n’est plus le même. Qu’il soit homme ou femme, il est surtout envahi par une rage (2), une fureur que rien ne peut calmer. Il ne voit plus du tout sa victime comme un être humain, mais uniquement comme un objet, et un objet qui le met face au plus grand des dangers : celui de perdre définitivement non seulement tout ce qu’il a acquis pendant des années, mais encore toute crédibilité et tout pouvoir.
ce qui est insupportable et insurmontable.

Les victimes qui décrivent le passage à l’acte parle d’une force inhumaine qui traverse alors le bourreau, et que rien ne semble pouvoir arrêter. Elles décrivent aussi une transformation physique. Ce n’est pas la simple colère qui fait pousser des hurlements, ou encore qui tend les traits du visage ou fait rougir la peau de l’individu énervé.
C’est ce qu’on pourrait appeler un « morphing » un temps réel. Les yeux exorbités, la face transformée par la haine et l’envie de détruire, allant parfois jusqu’à baver… comme si l’image réelle du bourreau reprenait le dessus, et, une fois le masque « social » retiré, seule l’image du monstre subsistait.
La force déployée est surhumaine. Les hommes victimes voient leur compagne, en apparence petite chose fragile, capable de les frapper, de les repousser, de les soulever de terre. Les femmes sont écrasées par la violence, et la force projetée en l’instant.

Et le bourreau ne cessera son geste qu’à condition qu’une force plus importante le domine Ou lorsque l’objet de sa colère, sa victime, ne sera plus.

C’est ce que savent sans pouvoir le verbaliser les victimes de pervers narcissiques.
C’est ce qui les retient de parler.
C’est pour cela qu’il faut les entourer, les écouter, les accompagner. Les aider à préparer leur départ. Dans le silence et le secret.

©Anne-Laure Buffet
annelaurebuffet.contact@gmail.com

(1)Raptus : Impulsion paroxystique à type de décharge explosive, souvent violente, à la limite de l’activité volontaire et du réflexe : agression meurtrière, suicide, automutilation, fuite éperdue.

(2)Rage : état mental le plus extrême du spectre de la colère. Lorsqu’un patient est sujet à la rage, cela se termine lorsque la menace n’est plus oppressante ou que le patient atteint de rage est immobilisé.

LES TROUBLES PSYCHOTRAUMATIQUES CHEZ L’ENFANT

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L’ESPT (Etat de Stress Post Traumatique), chez l’enfant comme chez l’adulte, est une « réponse différée ou prolongée à une situation ou à un évènement stressant exceptionnellement menaçant ou catastrophique et qui provoqueraient des symptômes de détresse évidents chez la plupart des individus », selon la CIM-10 (classification internationale des maladies).
Chez l’enfant, les caractéristiques sont propres : syndrome intrusif qui se manifeste par des activités ludiques répétitives ou par des mises en actes agressives vous sexuelles lors desquelles ils remettent en scène le ou les évènements traumatiques.
Au-delà de trois mois, l’ESPT est dit »chronique ».
Le diagnostic se heurte parfois aux conduites d’évitement : l’enfant submergé par ses affects émotionnels se dissocie ou se tait.

Les troubles psychodramatiques chez l’enfant sont aussi fréquents que l’est la maltraitance infantile. Ils se manifestent plus par des comorbidités et des troubles complexes de la gestion des émotions, comme le « trouble de développement traumatique », que par un classique ESPT.

À long terme, selon la recherche scientifique, les troubles psychodramatiques sont corrélés avec les états limites ou borderlines.

Les conséquences sociales, particulièrement lourdes en termes de conséquences personnelles et sociales, constituent un problème de santé publique largement sous estimé en raison du déni de la maltraitance et de ses conséquences.

Les troubles dissociatifs peuvent devenir un mode de défense habituellement utilisé contre les intrusions psychotraumatiques pour éviter les phénomènes de reviviscence anxieuse : ils sont des états de conscience modifiée se manifestant par des pseudo-absences, des troubles dysmnésiques (trouble de la mémoire, amnésie partielle), des comportements automatiques, des symptômes de dépersonnalisation ou de déréalisation.
Certaines tentatives de suicide, actes d’automutilation, conduites auto-agressives, comportements sexuels à risque, conduites addictives sont destinées à déconnecter le cortex frontal (1) du système émotionnel limbique. Ceci permet de créer un état d’anesthésie émotionnelle procurant un soulagement transitoire, aggravant encore davantage les délabrements narcissiques de l’enfant ou de l’adolescent.

In Violence et famille, ed.Dunod

(1) cortex frontal : regroupe l’ensemble de fonctions motrices, exécutives et cognitives supérieures, telles que la mémoire de travail, le raisonnement, la planification de tâches… Il est de manière générale très sollicité et utilisé pour structurer des processus cognitifs complexes, comme coordonner une série d’actions exécutées en vue d’un objectif.

ET AU DERNIER MOMENT… L’IMPOSSIBILITÉ DE VENIR

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« Je suis désolée, on peut décaler, je me sens mal depuis ce matin… »
« Bonjour, excusez-moi, j’ai complètement oublier notre rendez-vous. Je vous rappelle pour en prendre un autre. »
 » Cette fois, je confirme et je viens, pas comme la dernière fois… »
 » Je suis bloquée dans le métro depuis une heure. C’est pas de ma faute, c’est les transports. »
 » J’ai eu une panne. Ma voiture ne voulait pas démarrer. Bon, en même temps, on peut se voir à un autre moment… »

Bon, « en même temps », démarrer un accompagnement, une thérapie, n’est jamais facile. Surtout quand on souffre d’un manque de confiance en soi important. Particulièrement lorsque l’on a été mis à mal, abîmé, détruit, par un comportement ou une personnalité toxique. 
Il faut bousculer des croyances et des ancrages. Il faut se confier, parler, dire. Avec la peur de ne pas être compris(e) ou d’être jugé(e). 
« J’hésite toujours à sortir de chez moi. Je ne vais jamais faire mes courses si je risque de croiser du monde. »
La phobie et l’anxiété sociale sont une des causes de cet empêchement. L’angoisse à se retrouver confrontée au regard des autres, regard ressenti comme un jugement, et un jugement forcément négatif. 
La personne souffrant d’un manque de confiance en soi est presque rendue incapable d’imaginer, de concevoir que les autres puissent être bienveillants. Même l’absence de regard n’est pas comprise. Elle ne peut pas être indifférence. Elle ne peut pas être due au fait que l’autre soit pris dans ses propres pensées. Si l’autre ne vous voit pas, c’est que vous n’avez pas d’intérêt. Voilà un des ressentis de ces personnes souffrant d’anxiété sociale.

Quant aux victimes de personnalité ou de comportements toxiques, elles ont peur d’être vues, entendues, regardées. Elles ont peur d’un passé souvent très présent, d’un vécu, d’une histoire à raconter. Elles n’arrivent jamais seules : elles viennent avec leurs fantômes. Elles prennent rendez-vous pour elles… et pour ces fantômes qui ne cessent de les hanter.

Ce n’est pas le premier rendez-vous qui est forcément le plus difficile. Celui où le blocage se manifeste peut être après 5, 10 séances… On ne sait pas. Et le blocage peut aussi ne jamais se présenter. Chaque cas est particulier, comme chaque personne est particulière. Il est aussi impossible que dangereux de leur coller un calque, un modèle. La première nécessité, en thérapie et en accompagnement, est l’écoute et la compréhension du patient. 
Il faut être patient à son tour…

Ces impossibilités à venir à un rendez-vous, ces actes manqués « Excusez-moi, j’ai complètement oublié… », ces rendez-vous décalés, annulés, reportés, doivent être pris en compte. Et compris. Sans les disséquer éternellement, je me pose la question, et la pose à celui ou celle que je reçois : « Comment vous êtes vous senti(e) en devant annuler / décaler, en oubliant ce rendez-vous ? S’est-il produit quelque chose de particulier avant le rendez-vous manqué ? »

Je leur demande aussi si cette annulation peut avoir un lien avec moi. Je suis thérapeute ET humaine. J’ai pu avoir un comportement qui a heurté. 
« Non, ce n’est pas vous. C’est moi, et j’ai honte. »

Honte de quoi ? 
Le mot est lâché. 

Le manque de confiance en soi provoque la honte.
La honte de ne pas faire. De ne pas dire. La honte de se sentir petit devant les autres. Parfois inexistant. Habituée à ce sentiment d’inexistence, la personne qui veut en sortir déploie des efforts prodigieux. Parfois, elle a des périodes de rechute. Faut-il juger pour autant ? Non. Il faut le prendre comme un signe. Et l’encourager à continuer ses efforts. Et à continuer l’accompagnement mis en place.